Le nouveau bréviaire de la haine.

Antisémitisme et Antisionisme.

 

Gilles William GOLDNADEL

Collection « Coup de Gueule » dir. Jean-Claude GAWSEWITCH

Éditions RAMSAY, Paris, 2001.

 

 

Á propos de l’auteur :

Gilles William Goldnadel est né à Rouen le 12 janvier 1954. Fils unique, sa mère d’origine russe vivait dans le communisme et son père était de la gauche polonaise. Grandissant dans ce contexte, il part pour la première fois en Terre Sainte (Israël) en 1971.

 

Avocat franco-israélien, il est « titulaire d’une spécialisation en droit pénal et en droit commercial, il dirige une équipe de collaborateurs eux-mêmes spécialisés permettant ainsi un traitement qualitatif des dossiers qui lui sont confiés. Ce cabinet délibérément et résolument à taille humaine se situe clairement dans la tradition française du lien personnel avec le client et de l’étude approfondie du dossier aussi bien sur le plan juridique que sur le plan moral. L’importance et le caractère particulièrement médiatique des dossiers traités au cabinet tant en matière de droit pénal des affaires, droit de la presse, droit pénal du travail qu’en droit du contentieux de la concurrence, de l’immobilier, de la propriété intellectuelle, de la responsabilité professionnelle et médicale n’altèrent pas cette vision humaine des clients et de leurs dossiers et l’attachement profond du cabinet au droit des victimes »[1]. Il fonde en 1993, « Avocats Sans Frontières » et préside à « Association France-Israël ».

 

Essayiste et militant associatif, il est connu pour son engagement politique pro-israélien. Suite aux attentats islamistes en France, en 1995, il fonde l’association « Droit Á La Sécurité » (DALS) pour dénoncer le « lobby de l’insécurité ». Engagé à droite, il se présente comme un « Juif de combat », à la fois sécuritaire, réactionnaire et partisan d’une Révolution conservatrice. Il revendique son appartenance à la « droite sauciflard » en déclarant être hostile à toutes formes d’antisionisme et d’antisémitisme, indépendamment de leur orientation politique.

 

Devenu une des grandes figures emblématiques du courant néoconservateur, développé dans la Communauté juive française dans les années 2000, Nicolas Sarkozy,  président de  la République Française, le fait « Chevalier de l’Ordre National du Mérite », en  2007. Trois années plus tard, en 2010, il est élu membre du Comité Directeur du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF). Il devient donc l’un des hommes forts de l’instance politique des juifs de France et son ascension marque une grande étape dans l’histoire du Conseil représentatif des institutions juives de France.

 

Son soutien inconditionnel à Israël le conduit à se spécialiser dans la traque de l’antisémitisme qui lui vaut une reconnaissance médiatique. Il préside la « Ligue Internationale contre la Désinformation ». Depuis 2011, il tient une chronique hebdomadaire appelée « La Semaine Goldnadel », sur le site d’informations Atlantico.

 

Dernièrement en 2012, il publie « Le vieil homme m’indigne » en réponse au fameux « Indignez-vous » de Stéphane Hessel, jugeant son texte « d’indigeant et de complaisance avec le Hamas tout en critiquant Israël ».

 

Ses publications :

            - 1998 : Une idée certaine de la France

       - 2001 : Le nouveau bréviaire de la haine. Antisémitisme & antisionisme, chez RAMSAY

            - 2004 : Les Martyrocrates, chez PLON

            - 2008 : Conservation sur les sujets qui fâchent, chez GAWSEWITCH

            - 2009 : Le Blognadel, chez PASSY

            - 2010 : Sans concessions. Conversations avec David REINHARC, chez REINHARC

            - 2011 : Réflexion sur la question blanche, chez GAWSEWITCH

            - 2012 : Le vieil homme m’indigne, chez GAWSEWITCH

 

Critiques, intérêts du livre :

Cette œuvre, assez condensée en exemples et en retour de terrains, semble d’un premier abord, dès la lecture même de son titre, agressive et déconcertante. De ce fait, on passe souvent de la surprise de sa couverture à un « lâcher prise » presque automatique du livre. Cet état de fait provoque soit la colère du lecteur, car ses « problèmes » intérieurs et personnelles ressurgissent tout d’un coup, soit la lassitude, où on suppose d’ores et déjà ce qu’on va y trouver. Ce deuxième cas, appelé aussi « préjugé », porte un sérieux préjudice à cette proposition de lecture.

 

De même, la première citation de l’ouvrage conforte l’idée première, celle d’une œuvre très prometteuse en bouleversements, en situations critiques et critiquables, mais surtout en la mise en exergue des « vérités floutées ou travesties » par les réalités politiques externes et internes aux diverses « crises » évoquées par l’auteur. « Comme de coutume, l’année s’annonce sous le signe du châtiment ; je le pressens à travers chacun de mes os. J’ai vécu trop d’épreuves pour ne pas savoir prédire ce que l’avenir nous réserve. Oh bien sûr, j’ai foi en Dieu : je ne serais pas juif si j’évoluais dans le vide. Mais je ne serais pas juif non plus si je n’avais pas peur. Que vous dire ? Je distingue les signes et je sais les interpréter ; il faut dire que j’en ai l’expérience. Élie WIESEL, Le Golem ». (p.7) De ce fait, deux choix s’offrent au lecteur : franchir le pas en délaissant ses a priori, ses complexes, ses prénotions et étiquettes en tout genre ou simplement passer son chemin.

 

Cette œuvre est digne d’intérêts pour tous sociologues (néophytes, savants) puisqu’à sa manière, l’auteur traite de divers notions et concepts sociologiques : la figure de l’Innocent, l’Étranger, l’Autre, la socialisation, la famille, les Pairs, la notion de « bouc émissaire », le modèle conceptuel de la « vexation mortificatoire identitaire »[2], la notion de « déni d’identité collective »[3], le racisme et les stéréotypes liés, l’image et la place de Soi, le rôle et le besoin d’éducation, l’importance de la Mémoire et la transmission mémorielle, la violence (crime, guerre, peur, souffrance, non-dit, etc.).

 

Á propos du livre :

Cette œuvre est une dénonciation d’un nouvel antisémitisme attribuée à une partie de la gauche française. Le véritable danger selon l’auteur n’est plus tellement insufflé par le Front National (FN) en France, certes très connu pour avoir ce genre de comportements, mais une nouvelle émergence provient de plus en plus des jeunes musulmans de banlieues ainsi que de leurs complices altermondialistes en Keffieh. « En ce début de troisième millénaire de l’ère chrétienne, l’État juif fait l’objet d’une détestation remarquable et unique précisément fondée sur sa réputation d’État au nationalisme d’essence raciale, sinon raciste, et exerçant sa domination sur un peuple oriental opprimé au moyen d’un militarisme agressif et expansionniste. La victoire de l’anti-israélisme est totale du point de vue médiatique[4]. (…) …à la suite du blocus par le président Nasser des voies de communication maritime de l’État hébreu sur la mer Rouge-, le monde avait une appréhension plus rationnelle, non seulement de l’histoire immédiate mais encore et surtout des réalités politiques, stratégiques, cartographiques, diplomatiques, économiques et démographiques entourant le conflit. Aujourd’hui, il semble bien que cette géographie de l’évidence ait été annihilée au profit de l’idéologie de l’irrationnel et du paradoxal. » (p.62-63) […] « …de l’injuste caricature, il n’est pas toujours dénué de fondement. (…) …la critique s’accompagne de désinformation manifeste, relève d’une injustice flagrante et systématique et tient davantage du dénigrement érigé en système et de la réprobation unanime de la légitimité même de l’État juif. C’est dans ce cas que les défenseurs du droit d’Israël à une existence digne et effective n’hésitent plus à classer les tenants d’une telle critique dans une catégorie encore disqualifiante. (…) …tout au long de ce parcours vertigineux au bord d’un abîme de haine, truffé de mensonges abyssaux, semé d’embûches et de leurres, il est essentiel, si l’on veut tenter de comprendre le phénomène monstrueux et pervers qui nous occupe et, qui sait, y porter remède, de décoder, d’isoler le virus antisémite d’autres facteurs causals qui lui sont étrangers. (…) …« l’explication antisémite » ne fait que se surajouter dramatiquement à un facteur premier… (…) …le traumatisme collectif issu de la folie criminelle de l’État nazi ». (p.65-66) Ainsi, la partie qui décrit le mieux cette réalité est celle intitulée « La détestation de l’État et ses conséquences pour Israël. » (p.99) Nous y reviendrons en détails ci-après.

 

La 4ème de couverture pose d’ores et déjà le contexte de cette étude et présente l’auteur :

« Le nouveau bréviaire de la haine. Antisémitisme & antisionisme.

Aujourd’hui la détestation d’Israël est à son comble, et les communautés juives de la Diaspora sont à nouveau victimes d’actes hostiles, dans une relative indifférence. Il ne s’agit en réalité que d’une résurgence de l’antisémitisme, d’un nouveau bréviaire de la haine, nourrie d’une mutation de l’image caricaturale des Juifs. Avec la guerre des Six Jours, les Israéliens ont montré leur capacité de puissance et, pour l’antisémite, cette découverte a inversé l’archétype du Juif : jusqu’alors considéré comme un être faible et apatride, il est devenu un être fort mais belliqueux et nationaliste. En même temps, la Shoah, paradoxalement, est retournée contre les Juifs : les Israéliens sont accusés de s’en servir comme d’une excuse pour se comporter comme des nazis à l’encontre des Palestiniens.  Le phénomène antisémite de toujours, doué d’une remarquable capacité d’adaptation, s’est parallèlement grandi du rejet de l’État-Nation, issu de la découverte de l’horreur du génocide commis par un État omnipotent. Dès lors, haine de l’État juif et haine du juif tendent à se confondre. Cette analyse magistrale au cœur de l’inconscient collectif et de l’histoire contemporaine est d’autant plus vertigineuse et indispensable que l’antisémitisme sait déjà tirer profit du « nouveau désordre mondial » après les attentats du World Trade Center.

Gilles William Goldnadel, avocat pénaliste réputé, est spécialisé notamment dans la lutte contre l’antisémitisme. Il est le premier à pointer les conséquences perverses du choc de la Shoah. »

 

Comme nous venons de le dire plus haut, nous avons décidé de « sauter le pas » et de nous aventurer dans ces écrits malgré, non pas la peur de découvrir de sanglantes vérités ni même de rencontrer des situations horribles et déshumanisantes, mais plutôt de procéder à la manière des « découvreurs » d’histoire, dans une neutralité mentale et scientifique, en somme, à la manière d’un sociologue disons « un peu touche à tout ». Dans cet article, nous nous proposons de voir ensemble les tenants et aboutissants de ce livre, partant souvent dans d’amples détails de lecture ou parfois dans l’élucidation de propos, de verbes pouvant sembler incompréhensibles au premier abord. Il s’agit donc ici d’une lecture simplifiée du livre, un peu façon « étude de texte », sans nous égarer dans des « disputailleries » politisées. D’ailleurs, l’ouvrage en lui même est présenté par son auteur de cette manière, pour lui donner tout son sens et sa méthode pour « bien comprendre » son contenu.

 

La table des matières se trouvant dans les dernières pages, se constitue comme suit :

            - Premiers avertissements

            - État des lieux (2001)

            - Les oripeaux du vieil antisémitisme de papa (1870-1970)

            - Les deux séismes

            - Le petit séisme : Tsahal

            - Le big-bang Shoah

            - La détestation de l’État et ses conséquences pour Israël

            - L’antisémitisme, la gauche et les Français

            - Travelling final

            - Derniers avertissements

            - Petit lexique critique

 

Premiers avertissements

Dans cette partie, l’auteur nous mets en garde sur ce qu’est cet ouvrage ou ce qu’il n’est pas, malgré les apparences trompeuses. Goldnadel nous dévoile dès le départ qu’il s’agit d’un essai, écrit en hommage à une œuvre de référence, écrite par son regretté ami Léon Poliakov. « Je songe notamment au regretté Léon Poliakov, dont j’ai eu l’honneur de croiser le chemin[5]. Poliakov, qui a réfléchi toute sa vie sur le phénomène antisémite et a contribué à approfondir notre connaissance sur le sujet. C’est d’ailleurs de ce grand auteur et de ce petit homme, chaleureux et attachant, à l’accent attendrissant d’un autre temps, que je me suis inspiré pour tirer cet essai Le Nouveau Bréviaire de la haine » (p.9). Puis il précise ses motivations à l’élaboration d’un tel travail. « La génération des Poliakov a connu des rigueurs extrêmes de l’antisémitisme traditionnel que je nomme dans le présent essai, « l’antisémitisme de papa ». La génération de mes enfants, Benjamin et Laura, connaît actuellement ce que je nomme « l’antisémitisme renouvelé », principalement d’origine islamiste » (p.9-10)

 

Ce que c’est essai n’est pas

- une étude sur l’antisémitisme général : « D’autres auteurs, infiniment plus savants, ont publié sur le sujet des ouvrages, des traités, des sommes vers lesquels je renvoie les lecteurs intéressés » (p.9). Dans ce livre, il décrit et explique les deux focus du mouvement, en plaçant le premier sous l’appellation « antisémitisme de papa » en référence aux réalités vécues par les Poliakov et le deuxième dans un registre non moins grave, mais plutôt s’inscrit dans une application systématique et sournoise, appelé simplement « l’antisémitisme renouvelé ». Cette dernière n’est peu être pas différente de la première, mais elle est omniprésente dans l’ère dans laquelle nous vivons et se trouve beaucoup plus insidieuse, plus mesquine, plus ravageuse que celle de l’ancien temps disons explosive et destructrice dans l’immédiateté de la réalité. L’antisémitisme renouvelé s’applique plus sur le long terme jusqu’à passer pour être quelque chose de connue, de « déjà vu » car appartenant au Passé, aux horreurs de l’Histoire, elle ne devrait plus, du moins pour les jeunes d’aujourd’hui, avoir la même puissance ni le même impact d’autrefois. Et c’est ici que le bas blesse. Ce phénomène est ce qu’il y a de plus diabolique qu’avant, puisqu’elle s’affiche comme « moindre », comme « sans danger », alors tous baissent la garde et se laissent guider sans rechigner. Ce qui n’est pas le cas de l’auteur, qui dénonce par ce travail et ses comportements (réflexions critiques), cette ignominie flagrante et démontre par ce fait « qu’il n’est pas dupe ».

 

- un essai antiraciste : « Je n’entends pas faire la morale aux antisémites ; j’espère tout au plus dispenser une modeste leçon comme contre-productive. Le racisme, et plus particulièrement l’antisémitisme, ne sont pas un défaut auquel on pourrait porter remède, mais bel et bien une perversion. Supplier l’antisémite d’aimer, d’accepter, d’accueillir le Juif honni est à peu près aussi efficace que la supplique de l’amoureux éconduit aux genoux de sa cruelle. Au mieux, vous la flattez, au pire vous la lassez. Dans toutes les hypothèses, vous vous humilierez inutilement et aggravez votre pénible condition » (p.10). Pour Goldnadel, l’antisémitisme est une des formes les plus perverses du racisme, mais nous pouvons dire, après lecture de l’ouvrage qu’il s’agit de la forme la plus virulente et la plus sournoise du racisme le plus pervers qu’il nous a été possible de découvrir, tant dans ce livre que dans le quotidien dans lequel nous continuons de vivre. Au 21ème siècle, nous pouvons voir que l’antisémitisme renouvelé est bien plus dévastateur que l’antisémitisme de papa.

 

L’auteur précise aussi dès le départ qu’il faut, pour bien comprendre son travail, prendre conscience de l’utilité d’une réflexion profonde sur « ce qui se passe vraiment » et non pas sur « ce qui nous est raconté ». Ainsi, « Il n’est que de voir les effets de l’antisémitisme professionnel, sentencieux et militant, pour s’en convaincre. Témoin des gazettes régulièrement emplies de sondages qui, avec une aussi évidente que trouble délectation, annoncent périodiquement l’irrésistible progression du préjugé racial qu’elles ne cessent de traquer par ailleurs. Je veux affirmer ici ma conviction que l’obsession de l’antiracisme des années 2000 a tout simplement remplacé l’obsession de la race des années 1930 » (p.11). La question de la « race » est devenue l’objet le plus prometteur, source de conflits sanglants autrefois, elle devient « à la mode », face aux médias, elle est même source de capital. « Lisez les journaux, écoutez la radio, regardez la télévision, tout est antiracisme. Observez les comiques à la mode, leur ressort favori : la race » (…) En quoi l’étranger, le Juif, l’Arabe, le Noir seraient-ils plus aimables, plus innocents[6], moins critiquables, plus dignes d’intérêts que l’autochtone de vieille souche ? » (p.11). Peut importe les diverses « appellations » et leurs rajouts comme dans les discriminations positives par exemple, il s’agit avant tout de « discrimination » car l’obsession du « paraître positif » n’est qu’un leurre efficace pour détourner la véritable identité et l’origine de la méthode utilisée.

 

Dans nos réalités actuelles, l’agresseur ou le fomenteur de troubles est souvent celui qui « prête main forte », qui sous l’aspect conciliateur se révèle être celui qui détient toutes les ficelles du jeu. En somme, cette mise en garde de l’auteur nous montre que celui qui est démontré comme « coupable d’office » pourrait être « innocent » ou « complice ». Dans les deux cas, il ne faut pas seulement suivre obstinément les dires du « collectif », mais apprendre à discerner, simplement la vérité. Faire son propre constat est souvent plus juste que s’approprier des constats ou réflexion de ceux qui nous entourent. « On voudra bien par conséquent ne pas prendre le présent ouvrage, sauf à offenser gravement son auteur, comme une ode à l’antiracisme ou une supplique à l’antisémite » (p.12)

 

Ce que cet essai veut être

- un procédé d’actualisation de l’histoire, révélant les tenants et aboutissants de la prégnante et invariable « haine » des Juifs et de l’État d’Israël. « De même que le peuple juif a fait l’objet jusqu’à la création de l’État d’Israël d’une haine particulière, de même l’État juif fait l’objet aujourd’hui d’une haine tout aussi particulière. Une haine d’exception » (p.12).

C’est aussi en quelque sorte montrer le caractère intemporel de cette « haine » bien connue et que connaîtra sûrement encore le monde futur, puisque tant que le Monde existera, cette haine sera. C’est une des parties indissociable de l’avenir de l’humanité.

 

- une définition de la « haine », sa matière si particulière, si singulière, en somme appeler un chat, un « chat » : « La haine que concentrait au-dessus de sa tête la diaspora juive s’est déplacée au-dessus de l’État ressuscité et de ses habitants. (…) …la diaspora retrouverait sa condition antérieure dans le cadre déterminé d’un malheur cyclique et éternel. […]  Notre but sera donc de définir la matière de cette haine et de démontrer, pour mieux la démonter, qu’il s’agit d’une seule haine, commune au peuple et à l’État, d’analyser sa composition complexe, d’expliquer cette structure éminemment malléable, fielleuse et insidieuse qui la rend si redoutable. Nous avons intitulé cet essai Le Nouveau Bréviaire de la haine pour bien signifier que la haine antisémite dirigée contre l’État est de même nature que la haine antisémite dirigée contre le peuple ou l’ethnie. C’est précisément l’histoire de ce renouvellement, sa nécessité, son accomplissement et sa dramatique réussite que nous nous imposons de relater. » (p.12-13)

 

- « un devoir imposé car nous refusons malgré tout de croire au déterminisme du malheur juif » (p.13)

 

- une provocation profonde de la réalité de la haine, en révélant ce qu’est l’antisémitisme, ses moyens de diffusion en répondant aux questions fondamentales : qui, quoi, comment et pourquoi. Ces interrogations permettent de mettre en évidence : les marqueurs identifiables et identifiés des auteurs et de leurs complices « S’il existe des propagateurs actifs, vindicatifs de la haine antijuive, il existe également, en plus grand nombre, des agents et des réceptacles réceptifs, en somme une manière de victimes de la calomnie organisée, du mensonge délibéré, ou simplement de la sottise sottement répétée » (p.14), qui eux-mêmes évoluent en fonction de « l’air du temps, des nécessités vitales de l’histoire » (p.14), comme la prégnance des flous historiques (à l’exemple de l’histoire de la genèse des origines du peuple Malagasy), au maintient des non-dits (pour faire passer le faux pour la vérité ou laisser la mémoire dans un vide abyssal et destructeur. Ce sont aussi ce que l’on appelle communément les « secrets de famille » ou aussi les « secrets d’État » lorsqu’il s’agit d’une politique gouvernementale, quelle soit interne ou externe à un gouvernement), à la conservation effrénée de la réédition des muselières virulentes et dénigrantes, sur chaque individu ou une population spécifique (censures médiatiques, emprisonnements politiques, exactions et exécutions sommaires, terrorisme intellectuel, etc.). Il s’agit donc d’une description dénonciatrice du « phénomène antisémite comme une sorte de virus mutant, capable de renouveler ses thèmes de prédilection sans varier dans la méthode, en fonction de l’air du temps, des nécessités vitales de l’histoire, et du critère, essentiel à ses yeux, de l’efficacité dans la nuisance » (p.14).

 

En somme, cette nuisance n’est efficace que si elle est bien enrobée, sous l’image du Beau, de la Paix, de la Conscience vertueuse (notion de droit à la dignité de tout homme), afin de mieux resserrer le carcan sur l’innocent (mensonge délibéré, calomnie, processus de détestation, processus d’aveuglement dissolutoire vésanique[7], etc.) et de le tenir éloigné de tout sursaut de solidarité (sensibilité, empathie, affect, émotions et responsabilité, etc.), d’humanité qui peuvent émaner de cette « mise en joug ». En effet, ce qui touche l’homme (dans sa dignité, son identité, etc.), lui fait prendre conscience de la réalité de sa vie. L’émotion qui fait vibrer son être, le maintient dans un état d’alerte constant et influence ses décisions (réflexions) et comportements (actions) au quotidien. Voir et ressentir sont les éléments primordiaux de l’acclimatation[8] de l’homme à son environnement, sa vie en société, en communauté.

 

De même, ne dit-on pas que « le crime parfait est celui qui n’est jamais élucidé ? » et pourtant c’est en connaissance de causes que nous réagissons, « l’homme est un loup pour l’homme » et malgré tout, nous pouvons constater qu’au 21ème siècle, l’impunité demeure et est fortifiée par de multiples nuisances (individuelles et collectives) très efficaces sur nos réalisations (attitudes, comportements, verbes, état d’esprit, etc.) qui décident, « à notre place »  du sort réservé à l’Autre, à celui qui nous est Étranger et qui nous fait peur. L’homme a toujours eu peur de l’inconnu, de ce qu’il ne connaît pas, et, c’est en respect total en ce vieil adage historiquement intemporel et omniprésent, que par « instinct de conservation », on réitère un mal-être, on n’hésite pas à « montrer du doigt », on garde sagement sa place en se conformant au plus grand nombre qui nous ressemble et on « juge » pour ne pas se différencier du lot. En sociologie, nous appelons cet acte, des prénotions, c'est-à-dire des croyances du sens commun, qui paraissent comme des évidences, mais qui sont fausses car elles échappent à la réflexion critique. Ces prénotions alimentent en grande partie les préjugés, les opinions généralement péjoratives, plus ou moins implicites, sans vérifications ni contrôle critique, d’un individu ou d’un groupe à l’égard de l’Autre ou d’un autre groupe. Il s’agit du préjugé racial, du délit de faciès ou de « sale gueule », etc.

 

Goldnadel résume cet état, rappelant qu’il « n’y a pas d’intellectuels désincarnés. Notre chair et notre cœur nous commandent de défendre la dignité et la survie du peuple et de l’État juif. Nous le faisons, non pas par quelque improbable tribalisme[9], mais parce que nous sommes convaincu qu’une injustice grave leur est faite, dont nul ne peut prévoir les conséquences à terme. (…) Mais il se trouve que cette injustice – et c’est précisément son rôle fondamental – modifie complètement tant le comportement de sa victime que celui de son bénéficiaire » (p.15). Ce jeu de rôle malsain et pervers qu’est « …le phénomène de la détestation d’Israël, peuple et État, est une manifestation d’antisémitisme intemporel. En tant que tel, il accomplit parfaitement sa fonction principale : égarer les esprits par la passion. » (p.16) Du point de vue sociologique, l’antisémitisme est une opposition aux Juifs considérés comme formant une race à part. Elle s’est manifestée à travers l’histoire sous diverses formes : par des théories chez Gobineau, Drumont ou le nazisme ; des actions violentes (pogroms, Menalamba[10], esclavage) ; des mesures d’anéantissement (camps hitlériens, wagon Moramanga[11]) ou des traitements particuliers (exactions, exécutions sommaires, marginalisation sociale). La création de l’État d’Israël a fortement compliqué la situation, car on peut être antisémite sur le plan national et pro-israélien contre les Arabes chez Loewenstein R., Hermann I. ou encore Gabel J.

 

État des lieux (2001)

L’État juif connaît un prégnant « terrorisme innommable », prenant la vie des citoyens israéliens chaque jour (en référence à l’omniprésence de la guerre). Cet État juif dit « refuge » inquiète car elle se transforme inexorablement en un État « piège », tétanisé par de nombreuses répressions en provenance des pays « voisins » (arabes et musulmans), très influencés par certains pays Européens comme la France. «  En France, un prétendu « Parti musulman de France » fait descendre mille personnes dans les rues de Strasbourg aux cris de « mort aux juifs », le procureur refuse de poursuivre. Des synagogues de banlieues françaises sont incendiées par des cocktails Molotov, un ministre de l’Intérieur n’y voit que l’œuvre de « voyous ». Un chanteur juif qui dégouline d’amour, Enrico Macias, est menacé de ne pouvoir chanter à Lille dans l’indifférence quasi générale. Un président syrien s’en prend, en présence du chef spirituel du catholicisme romain, « à ceux qui par perfidie ont trahi Jésus », le pape reste coi devant l’injure et la France reçoit Assad. Norman Finkelstein, juif américain d’extrême gauche, pro-palestinien, émule de Garaudy, publie son pamphlet en France. Libération traite le sujet avec une distance remarquable et publie une interview aimable de l’auteur. » (p.17-18)

 

En sciences politique, le terrorisme est considéré comme étant des activités illégales de groupes clandestins, qui expriment leur présence et leur volonté par des assassinats ou des poses de bombes, de manière à créer un fort climat d’insécurité, suscitant une répression et réveiller un climat prérévolutionnaire (Brigades rouges). Ils y exercent aussi une pression politique forte afin de faire reconnaître leur existence et propager leurs revendications. Est donc considéré comme « terroriste », tous organisateurs ou exécutants membres de groupes adeptes du terrorisme. Ils sont animés par un fanatisme idéologique, religieux ou politique. Ils utilisent les attentats collectifs (bombes, détournements d’avion) ou individuels (assassinats, prises d’otages) pour obtenir des résultats précis (libération de prisonniers) ou généraux (changement de régime politique, coup d’état ou putschisme, lutte anticapitaliste). Ils optent une tactique particulière, identifiable par un fréquent usage du code des valeurs adverses (Droits de l’homme), afin de se justifier et de se poser en victime (victimisation) pour pouvoir manipuler et instrumentaliser[12] l’opinion internationale (faire croire qu’ils sont loyaux et qu’une entente est possible). Toutefois, il est toujours délicat de traiter quelqu’un de terroriste s’il n’y a pas de preuves tangibles et réelles de terrorisme.

 

Mais Goldnadel ne s’arrête pas à ces exemples typiquement français, il démontre comme l’a fait Gérard Rabinovitch, que « L’antisémitisme était aussi instrumentalisé pour son emprise comme moyen assurant mes complaisances et les complicités par-delà les frontières du Reich. C’est bien ce qu’observait Hannah Arendt lorsqu’elle notait que l’antisémitisme nazi n’avait jamais été une question de nationalisme extrême, mais avait fonctionné dès le départ comme une internationale[13]. »[14] « La France n’est pas seule dans ce cas, même si elle joue sans doute le rôle de funeste locomotive. » (p.18)

 

L’auteur rapporte en guise d’anecdote seulement le cas de la Suède, avec Lars Hidllersberg « …un provocateur gauchiste qui utilise ironiquement une forme de langage nazi pour s’en prendre à Israël et au capitalisme américain. » (p.18) avant de revenir au cas de la France, si particulière, si originale, si singulière, qu’il est intéressant de décrypter en détail. Ainsi cette curiosité titille l’esprit et donne l’opportunité à l’auteur d’émettre des constats objectifs, « - Les actes et les discours violents contre les juifs sont de plus en plus nombreux et éprouvent de moins en moins le besoin de se dissimuler derrière la rhétorique antisioniste. - Ils émanent essentiellement des milieux arabo-musulmans ou extrémistes de gauche. - Ils se heurtent à la passivité, quand ce n’est pas à la complaisance, des milieux intellectuels, des organisations professionnelles antiracistes et de l’État républicain. Il est essentiel de comparer cette formidable nonchalance à la sensibilité épidermique des précités lorsqu’un antisémitisme réel ou supposé émane du milieu traditionnel français ou de l’extrême droite méchamment appelée franchouillarde. Exemple emblématique : un écrivain quasi inconnu, Renaud Camus, se plaît dans un journal intime, impudiquement publié, à contempler ses humeurs matinales. Il trouve qu’il y a trop de juifs à France Culture. » (p.20-21) et une conclusion évidente « Si l’on veut précisément sortir du domaine du fantasme, on peut, très concrètement observer que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le sang juif a coulé en dehors même du Proche-Orient[15], cela n’était pas dû aux actions de l’extrême droite antisémite dite traditionnelle mais au terrorisme islamo-palestinien et à ses relais d’extrême gauche (bande à Baader, Action directe, Armée rouge japonaise, groupe Carlos). On voudra bien considérer ici le sang qui coule comme une manière précieuse et, partant, un paramètre intéressant. » (p.22-23)

 

Les oripeaux du vieil antisémitisme de papa (1870-1970)

Goldnadel nous montre dans cette partie, l’importance du retour au Passé pour comprendre le Présent et avancer vers un Avenir meilleur. Pour connaître véritablement ce qu’est l’antisémitisme, l’auteur remonte l’horloge du temps jusqu’en 1873, date à laquelle le mot « antisémitisme » apparaît pour la première fois. Le terme est utilisé par l’agitateur politique allemand, Wilhelm Marr et intitule son pamphlet, La Victoire du judaïsme sur le germanisme. « Son apparition correspond précisément à un nouvel antijudaïsme à caractère national, racial et social. » (p.26) En effet, les premières retombées sont indéniablement identiques (technique et méthode) à aujourd’hui. « …précisément, ces marques d’élévation sociales ostensibles voire ostentatoires, qui contrastent avec la misère d’hier, indisposent nombre d’autochtones et exacerbent la jalousie et l’envie, sentiments naturellement partagés avec une rare équité par tous les peuples. » (p.27)

 

L’auteur nous montre aussi d’où provient la force originelle de l’antisémitisme actuel, disons même, de toujours. Il tire sa source dans les trois grandes « puissances » connues du monde : l’Église[16] « magistère spirituel, intellectuel, moral et politique » (p.27), le nationalisme et le socialisme. Dans ce contexte, on remarque que « …l’émancipation du Juif, le fait qu’il s’illustre dans les domaines intellectuel, artistique et économique donnent désormais moins de prise à l’archétype traditionnel du talmudiste obscurantiste vivant dans la puanteur repoussante des venelles[17] de ses ghettos ou pataugeant dans la boue de ses shtettls. En 1890, les Juifs de France sont peu nombreux, mais croient tout de même en l’identité national du pays de la Révolution de 1789, développant à cette époque « … un amour immodéré de la patrie, de la terre, des ancêtres, d’autant plus excessif qu’il est antagonique. Dans ce contexte amoureux, exclusif et guerrier, le Juif est nulle part et partout. » (p.28) […] « …ils jouissent à la fois d’un fort sentiment de sécurité et de reconnaissance. » (p.29) Cependant, cette situation de calme apparent ne va pas durer, car nous dit l’auteur, « L’infime minorité juive française est rapidement désignée comme une puissance occulte, omnipotente et conspiratrice, manipulant cyniquement à la fois capitalisme et révolution pour mieux asseoir sa domination sur la France. »[18] (p.29) Cette dernière identité imposée aux Juifs ne fera qu’amplifier, tout au long de l’Histoire, la « haine » viscérale envers un peuple et un État spécifique. L’affaire Dreyfus révèlera pour la première fois, l’usage vindicatif[19] de la figure de l’innocent désigné « coupable », accusé publiquement par ses bourreaux.

 

La cause de la haine se présente le plus souvent, voire principalement, sous cette forme : « La présence croissante des Juifs dans les grands centres urbains, leur rapide ascension sociale, leur grande visibilité dans les professions libérales, dans la finance, dans la presse, dans les arts, ainsi que dans les mouvements politiques, suscitent réactions violentes, fantasmes et surtout envies. » (p.31) De nos jours, le succès fulgurent ou une notoriété soudaine, même en perspective, attire le plus grand des « malheurs ». L’homme n’identifie plus l’Autre comme son semblable, mais comme un individu qui représente un « risque », un « danger » et devient par conséquent celui qui est détestable et détesté de tous. Cette pratique met en place un processus de détestation provoquée par l’envie, la jalousie ou même la rancœur, face à la réussite de celui ou celle qui nous fut semblable et qui, par cette nouvelle identité ou position sociale, ne l’est plus, nous est différent, étranger, inconnu. La plus emblématique des exceptions, reste celle de Karl Marx, combinaison juif et antisémite. « Karl Marx était, on le sait, d’origine juive. Mais il était également un antisémite convaincu[20]. » (p.32) […] « Pour Marx, le Juif d’argent est devenu l’élément antisocial et universel des Temps modernes. » (p.33) […] « Léon Pinsker dans son Auto-émancipation : « Pour les vivants, le Juif est un homme mort, pour les natifs, un étranger et un vagabond, pour les propriétaires un mendiant, pour les pauvres un exploiteur et un millionnaire, pour le patriote un homme sans pays, pour toutes les classes un rival détesté. » (p.35-36)

 

La « haine » comme un virus s’alimente aussi en fonction du temps historique et des pratiques exacerbées de la « vexation mortificatoire identitaire »[21], pour preuve, « …ni l’Église de France, ni aucun autre pays en Europe n’a renoncé à enseigner aux petits chrétiens que les juifs étaient les assassins de Jésus, du moins jusqu’au concile Vatican II convoqué par Jean XXIII[22]. » (p.34) Cette mentalité antisémite s’expose à tous, sans aucune censure ni retenue, même après « l’horreur hitlérienne. » (p.35) La situation reste inchangée jusqu’en 1972[23], date charnière pour les Juifs, où les discours antisémites n’ont aucune limite. « …une législation répressive est apparue pour sanctionner… » (p.35), mais les mentalités demeurent inchangées et « …le Juif, dans le discours antisémite délirant et pourtant énoncé sérieusement, c’est aussi l’avare, le thésauriseur, c’est aussi la merde, ainsi que l’a montré Freud, et donc une troublante pourriture. (…) …le Juif c’est le profiteur, le nanti, le parasite, le ploutocrate, le capitaliste, l’exploiteur de toujours. Tout au long des siècles, tous les pouvoirs, toutes les chapelles, l’ont désigné à la vindicte générale comme bouc émissaire idéal de la misère du monde, et, plus particulièrement de la pauvreté. » (p.36) Ainsi, nous voyons qu’accepter d’être reconnu comme Juif, c’est aussi faire face à cette image du « bouc émissaire » qui lui est infligée par stigmatisation de ses principes identitaires identifiés comme tels par les antisémites.

 

En psychologie sociale, le « bouc émissaire » est connu et repéré de manière individuelle (membre d’un groupe) ou collectivement (groupe ciblé) et suscite des sentiments d’hostilité de la collectivité de référence (souvent un pays d’accueil). Cette hostilité est créée par les dirigeants pour recréer, d’une part, une forme d’unité dans une collectivité ; d’autre part, cette hostilité dirigée est une manière comme une autre de se débarrasser d’un sentiment de faute réelle (culpabilité) ou imaginaire. Le Juif[24] devient une victime choisie car il représente à lui seul l’image d’un ressenti différent (antisémitisme, racisme), faisant de lui, de sa présence, la matérialisation de ce qui est « bizarre », « étranger ». Le bouc émissaire est une personne rendue responsable de toutes les fautes. Cette pratique, pour les chrétiens, fait allusion à une coutume biblique qui consistait à charger un bouc de tous les péchés d’Israël et à le chasser dans le désert. Ainsi, grâce à cette haine viscérale et une application systématique et acerbe de la méthode pratique du « bouc émissaire », le virus antisémite trouve sa puissance et son essor. L’antisémitisme devient un « …discours disproportionné, focalisateur et généralisateur. Sartre l’a expliqué dans ses Réflexions sur la question juive : On arrête A, voleur breton, on dit que A est un voleur. On arrête B, tueur auvergnat, on dit que B est un tueur. On arrête Stavisky, escroc juif, on dit, on répète, tous les juifs sont des escrocs[25]. Notons que cette fascination obsessionnelle pour la chose juive, ce que nous oserions nommer ce mystérieux judéocentrisme goy, même lorsqu’elle est laudative[26], contribue à une focalisation disproportionnée. » (p.38)

 

La généralisation du déni d’identité collective confirme la prégnance certaine de cette « haine », identifié sous des termes aussi divers que « séisme »[27], « cyclone »[28], « syndrome » ou tout simplement « hostilité ». En sociologie, ce procédé est une stigmatisation par étiquetages, toujours préjudiciables, à l’Autre visé. La stigmatisation est un terme d’usage chez les interactionnistes et permet le « marquage » de chaque individu par des institutions ou des groupes. Ce « tatouage »[29] impose une interprétation négative de l’identité d’une personne ou d’un ensemble cible. L’étiquette devient un symptôme de maladie, de déviance, source exclusive de rejet, d’abandon et d’ostracisme[30]. La reconnaissance de ce processus et sa mise en pratique dans la réalité enclenche in fine l’imposition du statut de marginalité, avec évidemment son lot d’intériorisation des formes de répression associées à un sérieux sentiment de frustration.

 

Être un marginal frustré, c’est procéder à un retranchement[31] en dehors de la société. Par exemple, en psychologie sociale, l’ostracisme exprime la sévérité d’un groupe vis-à-vis d’un de ses membres, poussé indirectement à s’exclure. Par extension, il s’agit d’un refus d’acceptation de nouveaux adhérents. On peut alors entrevoir la vigueur du virus dont parle Goldnadel. De même, les propos qui suivent confirment la virulence de ce virus identifié par l’auteur et sa forte adaptabilité, aux époques dans lesquelles il se meut et s’alimente. « Sous prétexte de modernité païenne axée sur la beauté, la force, la jeunesse, on déteste le Juif, synonyme de laideur et de vieillesse rassise[32] » (p.41) […] « …de nos jours, le sionisme[33] (…) se heurte à la conception prétendument moderne et droit-de-l’hommiste qui considère comme dépassée et ethnocratique la nécessité de voir un peuple jouir de son indépendance et défendre ses frontières en cas de menace. Une très grande partie de la jeunesse occidentale juge aujourd’hui ringard, voire raciste, le fait qu’un peuple occidental revendique une souveraineté nationale. » (p.42) […] « …fait rarement souligné, l’antisémitisme a toujours été, sous la forme la plus efficace, en phase avec son temps. Autrement dit moderne, à la mode, dans le coup. » (p.39) Penser alors que l’antisémitisme est quelque chose de « ringard », de vieux, de démodé ou du fameux « n’est plus de notre temps », n’est plus du ressort du contre-sens, mais plutôt d’un leurre[34].

  

 Les deux séismes

Cette partie concerne essentiellement la présentation et les fonctions ou rôles joués par les deux principaux séismes, cataclysmes, cyclones ou encore syndromes, nommés respectivement Tsahal et Shoah, par l’auteur.

 

Tsahal[35] apparaît pendant la « …guerre des Six jours en 1967 » (p.46) et Shoah, « …terme hébreux, signifiant catastrophe, n’est survenue réellement qu’à partir des années 1970. Auparavant, les termes les plus couramment employés pour nommer la tentative quasi réussie de destruction des juifs d’Europe étaient « génocide » ou encore « holocauste ». » (p.46) Ici, nous pouvons constater que ces termes désuets recouvrent une nouvelle identité en revenant dans nos discours actuels, le plus souvent usités par les groupes politiques et les historiens spécialistes des deux Grandes guerres. Repris par la sphère médiatique, leur popularité en est décuplée. Le syndrome se caractérise dans les effets négatifs qui émergent dans l’espace publique et non pas par le simple fait de relater un évènement historique. C’est en ce sens que le séisme est « radical », puisque cette métaphore nous conduit à repenser l’objet tel un volcan en éruption ou en train de l’être. L’usage de l’image métaphorique est une technique efficace servant à capter l’attention en amenant du réalisme dans le discours. Ainsi, la « métaphore du volcan et de ses séismes »[36], est d’usage lorsqu’il faut décrire une situation critique, un phénomène destructif de grande ampleur, devenu désormais cette « innommable chose » où se corrèlent l’inhumanité et la cruauté. Ceci montre que l’histoire juive fut en tout temps liée à l’histoire humaine, malgré le fait qu’il s’agisse avant tout de l’évolution d’une nation singulière.

 

Le petit séisme : Tsahal

Le mot « Tsahal » est connu de l’ancien hébreu comme correspondant au sens de « tout comme », « idem », « le même, mais dans une nouvelle forme et dont on reconnaît la ressemblance ». En poussant un peu la recherche linguistique, il apparaît que le mot sahala usité par les Malagasy conserve cette définition hébraïque, malgré une prononciation particulière et typique à ce peuple. La langue nationale merina tient en grande partie son origine de l’ancien hébreu, celle de Moïse, d’Abraham, de Salomon ou de David. L’auteur définit ce moment précis comme « Un cliché qui chasse l’autre. » (p.49) Pour Goldnadel Tsahal est une « allusion bien entendu, non seulement de l’armée israélienne au sens strict, mais à la révolution qu’a constitué dans l’esprit des hommes la métamorphose du Juif, éternelle victime, en Juif vainqueur. » (Note 1, p.52) et peut ainsi montrer l’importance de la « notion d’image »[37], plus particulièrement, le processus de changement d’image.

 

L’été 1967 marque une prise de conscience quasi unanime, même des plus sceptiques, faisant changer l’image du Juif. Ce dernier devient l’archétype[38] du « Juif Nouveau et Vivant. (…) Bien sûr, la réalité était différente, le problème palestinien existait déjà avec ses exils, ses camps et ses rancœurs. » (p.51) Cependant, cette image du Juif ne dure pas à cause de la continuité des méfaits dévastateurs du virus antisémite. L’antisémitisme combat le Juif, ou plutôt son image, avec des méthodes bien précises et efficaces : mensonges, exagérations, amalgames, outrances, discriminations, focalisations, etc. dont le but est de salir la réputation d’un ou du groupe ciblé. Le meilleur principe est d’user de la notion de bouc émissaire qui produit un « aveuglement dissolutoire vésanique »[39] sur le droit et la dignité de l’homme. Le Juif Nouveau, caricaturé devient alors « …un être belliqueux et conquérant. Dis-moi comment tu es, je te dirai comment je te hais… » (p.53) On retrouve cette même image lorsque l’on parle ou évoque les Malagasy et plus particulièrement les Merina[40] (peuple des hautes terres centrales de l’île). Pour un Juif, la satisfaction d’être juif suffit amplement, de même que tolérer un Juif signifie faire preuve de tolérance car il est considéré comme étant un citoyen doté de droits et de devoirs, soumis aux mêmes règles de vie que l’autochtone avec lequel il a appris par assimilation à vivre.

 

En sociologie, s’assimiler c’est devenir semblable. Park R.E. et Burgess E.W., considèrent que l’assimilation est un processus important par lequel un individu ou un groupe s’intègre dans un autre groupe. Il s’agit donc d’un phénomène d’intégration. En anthropologie[41], on parle plutôt d’acculturation[42], qui est un processus de changement culturel résultant de perpétuels contrats entre des groupes de culture différente. Les traits culturels sont souvent interprétés par la société emprunteuse et adaptées à ses propres cultures. Il y a donc ici, une perte de l’identité d’origine (tout ou partie) en faveur d’une nouvelle. Les limites de la notion d’acculturation résident dans la difficulté à concilier la tradition et la modernité, comme de nombreux exemples issus du contact (choc civilisationnel)[43] entre les pays du Tiers-Monde et le monde Occidental. Le nouveau Juif diasporique naît en arborant « …des signes ostentatoires d’identification[44] : la magen David (étoile de David) entourait désormais de nombreuses jeunes nuques plus raides que jamais. » (p.57-58) La réaction est immédiate, car « En France, sans doute plus qu’ailleurs, le comportement dépité d’un pouvoir gaulliste, en la circonstance maladroit et, finalement, injuste, contribuait à isoler pour l’heure, splendidement, une communauté sûre de son fait comme de son bon droit. » (p.58) Á cette période, des changements profonds ont lieu. Le terme « …« israélite » est désormais banni au profit du décomplexé, exigé et revendiqué « Juif ». En outre, si l’« israélite » sépare de l’« Israélien », « Juif » les rassemble. C’est à cette même période, et alors même que le yiddish est condamné, que la jeunesse juive commence à se tourner vers l’hébreu moderne. »[45]

 

Le big-bang Shoah

Cette partie explique comment s’est popularisé le vocable hébraïque Shoah et de quelle manière il s’est inscrit dans la mémoire individuelle et collective.

            - 1960-1980 : « la guerre éclair, le premier séisme, achève définitivement de libérer la parole et l’écrit des témoins juifs hier martyrisés qui avaient commencé, timidement, à raconter l’inracontable » (p.70-71). Á partir de ces moments là, on commence à penser à la Shoah et aux thèmes « shoatiques ». Exemple : la série Holocauste, 1978.

            - 1980-1990 : accélération du phénomène de libération de la parole « …la biographie et la filmographie de la Shoah pour constater que 90% de la production a été réalisée après 1970. Exemples : Lanzmann C. qui raconte la Shoah, Spielberg S., La liste de Schindler (mise à mort du peuple juif d’Europe).

 

Les séries télévisées américaines (Hollywood) feront la renommée du terme Shoah et s’empare des télévisions occidentales. « …la Shoah est devenue l’horresco referens que l’on traduit souvent par « la référence de l’horreur », l’horizon indépassable du crime de masse, l’étalon officiel de la souffrance humaine, notamment en matière de racisme[46] et de xénophobie[47]. » (p.73) […] « …il s’agit d’un fait unique et monstrueux dans l’histoire monstrueuse du monde en générale et du siècle dernier en particulier, en raison de son caractère systématique, méthodique, industriel, moderne. » (p.76) Nous pouvons donc remarquer que la Shoah n’est « …pas le génocide des Juifs en soi, mais la prise de conscience par l’humanité, notamment occidentale, de la nature exceptionnelle et de l’ampleur de ce génocide. » (p.73) Goldnadel définit donc le big-bang comme étant « Cette prise de conscience et son impact émotionnel ont ébranlé la plaque tectonique de l’histoire humaine depuis la fin des années 1960 à aujourd’hui. » (p.73) Le racisme génère des stéréotypes[48] : inégalité des races, supériorité biologique, légitimité hégémonique, préservation de l’utopie de la race « pure » ou de l’idéal de l’authenticité qui ont souvent conduit à des extrêmes inqualifiables comme l’épuration ou l’eugénisme. Il véhicule une manière de pensée décadente et vante les mérites d’une hypothétique sélection naturelle de l’homme.

 

La guerre éclair provoquant le désormais très célèbre big-bang Shoah, donne l’accès au Juif, de pouvoir ancrer dans sa mémoire, à la manière d’un devoir de mémoire, cette histoire tragique et dramatique, qui ne peut être oublié et qui ne peut être effacé. Cet acte est un « devoir de vigilance, naïf, pathétique et un brin grandiloquent… (…) …pour que effectivement : plus jamais ça ! Pour que soit stérilisé à jamais ce foutu ventre fécond d’où était sorti cette saloperie de bête immonde… » (p.78) Cette attitude donne droit à une connaissance acquise et admise, sans que cette méthode soit une excuse à la victimisation. Goldnadel nous rappelle alors qu’en « …universalisant la Shoah, en se l’attribuant toute entière, en faisant la chose de tous, on contribuait involontairement à la déjudaïser. » (p.82) Cette déjudaïsation alimente et encourage la violence faite envers le Juif survivant certes mais terrorisé en permanence par l’oubli[49] (histoire et mémoire), le scepticisme[50] (vérité et croyances) et la dénégation[51] (identité refoulé et autocensure).

 

Cependant, « L’œuvre à réaliser commence par la banalisation, passe par l’accusation d’instrumentalisation financière ou politique, et s’achève par le morceau de bravoure, la négation pure et simple des faits historiques. » (p.83) Tel est le sort de tout Juif qui tenterait de s’exprimer au sujet de sa propre histoire, des réalités de son quotidien ou même des difficultés que rencontrent son pays. Cette œuvre mauvaise qui s’applique sous le soleil n’est qu’un prétexte parmi tant d’autres pour nier une vérité : « On ne s’attaque qu’à celui qui ne peut répliquer », en somme, le faible ne peut être que la victime idéale dans le monde dans lequel il est obligé d’évoluer, « on ne choisit pas le lieu de sa naissance ». Cette méthode constatée de vulnérabilisassion d’Autrui, visant à terme, à concourir à sa disparition, rejoint indéfectiblement le concepte de la vexation mortificatoire identitaire (VMI). Nier l’identité[52] de l’Autre, c’est le précipiter dans un gouffre sans fond, pour le détruire, l’anéantir : une personne, un peuple sans identité n’a pas d’avenir et est voué à disparaître.

 

Actuellement, l’identité ou sa reconnaissance fait toujours débat et donne lieu à des dérives individuelles et des crises identitaires collectives graves, pouvant fragiliser les fondements profonds d’une nation[53]. C’est toujours à l’intérieur même de cette VMI, que se dissimule, dans le cadre de cette étude de Goldnadel, ce qu’il appelle le virus antisémite renouvelé. « …le virus antisémite adore les fausses pistes et les leurres. Quand cent mille Parisiens défilent, après l’attentat de la rue Copernic commis par un groupe terroriste palestinien, pour appeler à la vigilance contre le retour du fascisme d’extrême droite, quand on constate que toute l’énergie de la communauté juive française organisée a été concentrée pendant des années sur le terrain unique de la lutte contre le danger incarné par le FN, à l’exclusion des réseaux islamistes ou d’extrême gauche, on a du mal à ne pas y voir la marque du génial truqueur. Même en faisant la part belle au manque évident et récurrent de clairvoyance des représentants de la communauté et de l’instrumentalisation cynique de l’extrême droite par une gauche prétendument amie des juifs… » (Note 1, p.88-89) […] « …le but visé… aujourd’hui largement atteint : instrumentaliser Tsahal et Shoah tout à la fois, les pervertir, et les renvoyer à la face du Juif. La calomnie antijuive fait d’une pierre deux coups. » (p.89-90)

 

Goldnadel poursuit son constat de terrain « Il est également symptomatique de remarquer que pour sacrifier à ce qui relève désormais d’une précaution rituelle, nombre d’intervenants, avant de se lancer dans une diatribe convenue aux forts relents antijuifs, précisent noblement qu’ils abhorrent l’antisémitisme mais revendiquent hautement leur antisionisme. (Chose lue sur un mur de Paris : « Á bas la France juive ! » [Le mot « juive » barré maladroitement], « Á bat la France sioniste ! » ça change tout). Figure désormais habituelle de rhétorique, sorte de grigri contre l’excommunication automatique, manière de gousse d’ail à porter en collier, d’eau bénite à asperger généreusement, crucifix à brandir fièrement à la triste face du vampire pro-israélien qui n’a plus qu’à se réfugier piteusement dans le cercueil des vaincus de la communication médiatique. » (Extrait note 1, p.90) La figure du vampire[54] et de tout l’attirail pour le vaincre est ici appliqué, dans le sens où le « monstre » est la cible de tous les « chasseurs ». Ainsi, l’image vampirique ici prononcé renvoie le lecteur dans une dimension métaphorique pure et complexe, qui ne laisse aucune place au doute ni au dénouement de l’histoire. En effet, les chasseurs arrivent souvent à leur fin, dans l’imaginaire filmographique occidentale, les « méchants » meurent toujours.

 

 L’auteur place le sioniste, le Juif ou l’Israélien dans une posture délicate, celle du vampire, source de tous les maux de la société. Accusé à tort et à travers, il est le responsable indéniable des malheurs de la France[55] et nulle ne peut dire le contraire. Le vampire lié au sang, procède une double violence : à lui-même (processus de victimisation), puis en direction d’Autrui (l’existence du Juif rend « impure » son environnement). Cependant, dans l’exemple cité ci-dessus, Goldnadel conforte, une fois encore, cette monstrueuse globalisation où des faits uniques et ciblés « juive » ont exactement la même signification et le même impact que toute une unité, un ensemble donné « sioniste ». Ceci revient à dire que l’acte d’un seul, ce n’est rien d’autre que l’acte de tous, de l’ensemble. Et ce constat alarmant de la mentalité française, prouve que la violence d’hier est toujours aussi virulente voire efficace aujourd’hui pour taire définitivement le Juif et in fine Israël.

 

Le renouvèlement de la force du virus antisémite trouve son essor dans « …la combinaison du vieux thème antisémite de l’escroquerie juive à la charité et du thème moderne du complot sioniste contre les Arabes… » (p.96-97) et ravage de l’intérieur l’esprit public moderne et souvent insensible à ce qui se meut autour de lui, lorsque son individualisme prend le dessus et que ses intérêts personnels ne sont pas remis en cause. « Mais un public de plus en plus nombreux considère que « l’on en parle trop » et impute aux seuls juifs cette situation, notamment en raison de l’antienne antisémite sur l’exploitation juive de la Shoah. Nous ne serons pas les derniers à nous interroger sur l’hypermnésie[56] actuelle, mais nous pointons pour notre part davantage le judéo-centrisme gentil, étrangement fasciné par le destin juif, que l’intérêt compréhensible du Juif lui-même pour son passé tragique et son avenir problématique. » (Extrait note 1, p.98) Cette « hypermnésie actuelle » est le propre des Juifs, alors même que des constats similaires font jours concernant un peuple, une nation, spoliée de son droit au devoir de mémoire, à la reconnaissance de son passé tragique, un pays autrefois colonisé par la France et dont les « origines » de son peuplement, selon les « experts français », demeurent inconnues. Alors même que d’imminents chercheurs et découvreurs nationaux, européens et internationaux confirment le contraire, en France, l’omission historique des origines des Malagasy reste opaque et les méthodes d’usage lorsqu’un individu soulève un peu le voile, sont identiques à celles proposées actuellement à l’égard des Juifs, d’Israël. Ainsi, l’oubli est de rigueur, le scepticisme à son comble et la dénégation à son apogée. Mais cette note d’histoire est à mettre de côté, pour le moment, puisqu’elle fera l’objet d’un autre article.

 

La détestation de l’État et ses conséquences pour Israël

Cette partie propose une explication de ce qu’est l’anticolonialisme traditionnel, « …qui tend à expliquer le parti pris médiatique par une mauvaise conscience occidentale à l’égard des populations anciennement colonisées, et notamment la mauvaise conscience française à l’égard des populations arabes à la suite du conflit algérien. Ce sont « les sanglots de l’homme blanc » de Pascal Bruckner »[57]. L’auteur insiste sur le fait que l’hypermédiatisation de ce conflit autorise le jeu de rôle psychodramatique, source principal de la martyrocratie usitée et pratiquée par les Palestiniens d’aujourd’hui contre Israël. « Il faut considérer que le phénomène de détestation de l’institution étatique issu du choc de la Shoah comme d’une infinie gravité sur le monde encore libre et encore civilisé. (…) … l’État a été créé pour apporter la sécurité, la tranquillité, la justice au citoyen et pour le défendre de l’agression du plus fort et du plus brutal. Pour les citoyens juifs, la défense contre la barbarie du plus fort n’est pas une notion abstraite. » (p.107-108)

 

Pour l’auteur, le bon Juif est celui qui n’est pas conforme avec l’archétype ci-dessus cité et qui se doit être utile aux autres. En effet, « Est un bon juif celui qui a le courage ou la lucidité de rompre avec le milieu juif archétypique. (…) Nous avons déjà signalé l’article illustratif de Pascal Boniface dans Le Monde du 4 août 2001 qui adjure, pour leur bien, les juifs de France de rompre avec l’Israël d’aujourd’hui, sous peine d’encourir en France un antisémitisme auquel les Arabes de France ne seront pas les derniers à prendre part… »[58]. Cet article annonce évidement la couleur. Le Juif n’aura pas l’unanime approbation s’il n’est pas spolié de son identité, de l’essence unitaire de son caractère typiquement solidaire (union nationale). Un individu sans patrie n’a aucune identité et devient insignifiant, en ce sens, il peut, sous certaines conditions innommables et déshumanisantes, être amené à « disparaître ».

 

Cependant, le modèle du Juif aimé fait « …référence à l’adage douteux : « Un bon juif est un juif mort ». Il est difficile en effet de ne pas faire le constat qu’un juif mort est un juif bon. La figure du juif idéal, celle qui inspire une sympathie, un respect quasi unanime, c’est celle du juif victime, le Juif intemporel, celui de tous les temps, sauf du temps présent. Le modèle du Juif aimé, c’est celui du Juif regretté. (…) … ce portrait-robot du Juif aimé, du Juif mort de la Shoah, regretté de manière quasi nostalgique, correspond exactement au modèle inversé du Nouveau Juif Vivant, celui né de Tsahal, dont l’antisémitisme renouvelé s’est servi pour créer la nouvelle figure archétypique du Juif honni » (p.111). Ainsi, faire acte de repentance, pour le Vatican ou la France, est purement symbolique et démontre l’existence d’un « décalage » entre « l’antisémitisme en action et la reconnaissance tardive de sa perniciosité ». (Extrait note 1, p.111-112) Ce principe donne la permission à certains peuples d’user durablement de cette détestation-aversion systématique du Juif et de l’État d’Israël. Il suffit donc de marteler les esprits et les consciences avec des images mémorielles fausses et faussées par un prégnant antisémitisme. La manipulation mentale est illustrée ici par des exemples « chocs » certes, mais flagrants. « Les thèmes de l’argent juif ou sioniste, de l’Apocalypse qui sera déclenchée tantôt par les juifs, tantôt par le feu nucléaire israélien, l’escroquerie juive ou celle, sioniste, d’instrumentalisation du génocide au service d’Israël, le thème du fauteur de guerre juif ou sioniste, de la perfidie juive ou sioniste, appartiennent au fond patrimonial de l’antisémitisme intemporel. (…) …l’empoisonnement est particulièrement fascinant et mystérieux. (…) … le juif était accusé d’empoisonner l’eau des puits ou l’air par les bacilles de la peste bubonique  et du choléra, de même les sionistes modernes sont accusés d’empoisonner l’eau de la Palestine ou l’air palestinien. Yasser Arafat, il y a peu, accusait encore les soldats israéliens d’empoisonner les Palestiniens avec de l’uranium appauvri. Faycal Husseini était mort, toujours selon le leader palestinien, des suites d’une intoxication provoquée par une grenade israélienne… Son épouse Soha, devant Mme Clinton, révéla au monde entier l’empoisonnement des enfants par les armes israéliennes. Il y a quelques années, les télévisions du monde entier montraient des Palestiniens se tordre de douleur après avoir bu l’eau des puits empoisonnés par les Israéliens… On apprit par la suite qu’il s’agissait de scènes d’hallucinations collectives… Mais il ne faut pas croire que cette obsession du poison soit l’apanage de l’antisionisme arabe palestinien. Nous avons été contraint d’obliger la maison Hachette d’empêcher la sortie d’un livre de sciences destiné aux élèves de terminale pour l’année scolaire 2002 et dans lequel des universitaires français reprochaient aux Israéliens de polluer les sources palestiniennes. (…) …De même, suggérer que les Israéliens tueraient des enfants de Palestine par plaisir sadique, par cruauté, rappelle étrangement, selon nous, les vieux thèmes du passé concernant l’assassinat rituel des enfants gentils par le juif perfide. »[59]

 

Ces exemples nous montrent combien l’antisémitisme conforte l’homme dans l’expression exceptionnelle, la plus naturelle, de sa bestialité intemporelle et irrationnelle envers son semblable, car « L’État juif est l’État-nation le plus condamné parmi toutes les nations. L’État le plus raciste, l’État le plus sexiste, l’État le plus dangereux pour l’environnement et l’archéologie, l’État le plus liberticide. L’État le plus dangereux pour la paix mondiale, l’État terroriste par excellence, l’État le plus ennemi des droits de l’homme, l’État le plus…. L’État juif, l’État dont on brûle le plus le drapeau au monde… et ce sous les yeux du monde. C’est l’État, insignifiant par la taille et par le nombre de ses habitants, le plus observé, le plus sermonné, le plus admonesté au monde. On ne cesse de le scruter, de le conseiller, d’en faire l’objet de discours, de commentaires, de polémiques sans fin. C’est l’État cible, l’État référence, l’État générique. Une seule armée porte un nom que l’on connaît et que l’on cite quotidiennement, pas toujours pour la louer : la sienne. Le terme « territoires occupés » ne concerne pas le Tibet, Chypre, le Liban, le Soudan, etc. ; il ne concerne qu’un seul État, celui du juif. Ce superlativisme intégral, cette disproportion littéralement infernale, cette focalisation obsessionnelle, cet israélo-centrisme non juif[60] sont bien les signes indiscutables de la marque maligne. » (p.115-118) De même, l’auteur rappelle « Aucune nation, en dehors des condamnations[61] a posteriori de l’Allemagne hitlérienne, n’a fait l’objet d’autant de résolutions visant à ébranler ses fondements. Rappelons que n’ont jamais fait l’objet de la moindre condamnation de ce type des pays comme l’Arabie Saoudite (décapitations publiques), le Soudan (génocide et mise en esclavage des chrétiens) ou la Syrie d’Assad (massacre de 20 000 sunnites à Hama) »[62].

Cette détestation d’Israël se complaît et s’expose en « juste condition humaine » jusqu’à s’incruster au sein de l’éducation nationale, où la haine est une tradition éducative très populaire, permettant la promotion d’une identité génocidaire fièrement déclamée. « Une tradition arabe du Mein Kampf d’Adolf Hitler est diffusée à Jérusalem et dans l’ensemble des territoires palestiniens. Ce livre, qui était interdit par les Israéliens, a été autorisé à la vente par l’autorité palestinienne, nonobstant les accords d’Oslo qui proscrivent l’éducation de la haine. Il s’agit d’une version publiée au Liban en 1963 et rééditée en 1995. On aurait donc tort de croire qu’Adolf Hitler est impopulaire dans le monde arabe. » (p.120) Une fois encore, le caractère « international » de l’antisémitisme, qui ne s’est jamais limité aux frontières israéliennes ou au monde arabe actuel. « L’antisémitisme était aussi instrumentalisé pour son emprise comme moyen assurant les complaisances et les complicités par-delà les frontières du Reich. C’est bien ce qu’observait Hannah Arendt lorsqu’elle notait que l’antisémitisme nazi n’avait jamais été une question de nationalisme extrême, mais avait fonctionné dès le départ comme une internationale[63] »[64]. Rabinovitch citant Steiner, rappelle cette même idée. « Les fondements de la Culture humaniste sont remis en question. C’est au cœur de l’Europe que s’est révélé le degré ultime de Barbarie jamais atteint par l’homme »[65].

 

De nos jours s’opère une perpétuelle contamination, sorte d’auto-alimentation vitale, autosubsistance, entre « l’antisémitisme arabe et l’antisémitisme renouvelé européen (…) au sein du village planétaire, par le biais d’Internet, des paraboles et des radios communautaires[66] » (p.122). Il s’agit ici ce que Freud interprète comme étant de l’ordre de la « psychologie collective », principale source d’enrôlement de la masse à une cause, contre l’objet haï. Ainsi, il « ouvre une voie d’accès au décryptage de certains mécanismes d’adhésion des masses et au « pousse-au-jouir meurtrier » du nazisme n’est pas contestable, ne serait-ce que dans le repérage du charisme hypnotique et de la haine d’un objet comme unificateur de la Masse. La Massenpsychologie n’est jamais éloignée d’une Hassenpsychologie, d’une psychologie de la Haine qui lui est fréquemment inclusive. L’appel à la Haine en masse déborde et subjugue en les unifiant les motifs divers et les profils psychiques variés alors massifiés. Son invité souffle sur les braises qui convent des agressivités, neutralise les résistances morales, emporte les adhésions mimétiques et exclut les rétifs, vite assimilés à l’objet haï »[67]. Et, c’est justement cette contamination qui fonde le principe bien connu de la « mainmise », acte volontairement imposée à l’Autre, à une nation ou un État qui n’a pu s’émanciper de sa « tutelle hégémonique » en s’affranchissant d’une dette par exemple. C’est le cas aujourd’hui encore de l’île Madagaskar[68], qui subit de plein fouet ce que nous appelons la vexation mortificatoire identitaire, source d’un négativisme[69] certain. En effet, Lyotard note que l’homme d’aujourd’hui « …ne se respecte et n’est respectable qu’à ce titre. Les mainmises ne sont reconnues que pour être déniées »[70].

 

L’antisémitisme, la gauche et les Français

Pour l’auteur, la gauche est un parti politique considéré comme étant le principal vecteur de « …contamination par le virus antisémite » (p.123). Il s’agit donc du caractère typique de « l’inspiration » idéologique de la gauche (les dits « extrémistes », les propagateurs de la haine extrême et les développeurs d’archétypes simplistes comme celui du complot) et non des individus. L’auteur précise à ce propos que « …la survie victorieuse et militaire du juif a permis à l’Arabe de Palestine de s’assurer peu à peu la place convoitée et exclusive dans le cœur d’une partie de la gauche doloriste. Pour le dire autrement – et très schématiquement –, par sa nature essentielle et fondamentale, la droite supporte davantage le juif vivant que le juif errant, ceci pour des raisons exactement inverse à celles de la gauche » (p125). Goldnadel décrit cette réalité comme étant un « …antisémitisme français, franchouillard, hier encore complice des nazis » (p.127). Norbert Elias définit cette acceptation commune comme étant un type de Barbarie moderne prise dans une sémantique de « régression ». Rabinovitch convoque l’histoire affirmant que « …le génocide des Juifs marquait une régression vers la Barbarie et la sauvagerie des âges primitifs. […] La Civilisation s’inscrit profondément dans un terrain imbibé de barbarie[71], ce dont les moralistes français avaient également déjà eu l’intuition[72] »[73]. La barbarie régressive sert alors de rempart contre la vérité, et par l’observance minutieuse, « pieuse » même des dénis, la notion de « crime » risque, à terme, de s’évaporer de la réalité observée. Or, « …si la notion de crime s’efface, alors le moindre petit bureau de l’administration bureaucratique d’État, compromis et corrompu, peut se transformer en officine criminelle »[74].

 

Ces explications nous montrent la réalité transhistorique avec leurs lots de « crimes » et dénoncent à cet effet, l’existence d’une instrumentalisation fondamentales des pratiques et des mentalités populaire émanant de partis politiques influentes, sous couverts de fortes personnalités médiatiques dont la  notoriété s’exprime soit négativement (déboires politiques, déclin de l’autorité, perte de crédibilité, etc.) soit positivement (rallie le peuple, figure charismatique, grande influence morale, etc.). Si cette instrumentalisation n’était qu’un « leurre », il aurait fallu qu’elle ne soit pas une « grossière diversion », une « réalité masquée » ou « ces angoisses systématiquement, obsessionnellement exploitées par ceux-là même qui servaient de vecteur à la vieille haine nouvellement présentée – pour la mieux dissimuler… (p.128) […] …cet esprit d’intolérance, ce terrorisme intellectuel vigilant, ce conformisme intransigeant, cette obsession antiraciste … n’a d’égale que l’obsession de la race … signe de reconnaissance … de sa présence. » (p.129).

 

Goldnadel précise que « …la particulière réceptivité de la gauche à l’hostilité envers l’État juif réside dans son attitude, résolument plus hostile que celle de la droite, envers un pouvoir d’État, de surcroît occidental. Et ce, non seulement en raison du grand séisme (la droite elle-même subit les contrecoups, à l’instar de l’ensemble de la collectivité humaine européenne) mais, encore, en raison de sa culture marxiste, trotskiste, internationaliste et tiers-mondiste[75] » (p.129). L’exemple du caricaturiste Konk reste éloquent puisqu’il « …a sévi dans le journal Le Monde pendant plusieurs années. Nous gagerions que les lettres que sa rédaction n’a pu manquer de recevoir concernant les desseins haineux consacrés à Israël ont été traitées avec le dédain compatissant qu’on réserve habituellement à la paranoïa…. Quelque temps après son départ du journal vespéral, le caricaturiste a collaboré avec tout ce que la presse française compte de revues négationnistes…. Plusieurs années plus tard, nous avons eu la surprise amusée de lire sous la plume d’un journaliste du Monde, sans doute trop jeune pour l’avoir connu, un article acide reprochant à une section locale du FN de recourir aux services de ce dessinateur raciste ! »[76]

 

L’antisémitisme est orienté, quelque soit le « pouvoir » qui le maintient. Ainsi, au lieu de globaliser dans un seul sac, il semble plus juste de définir avec précision la nature ou le caractère de cette « orientation ». « Lorsque le pouvoir est religieux, l’antisémitisme est religieux. Lorsque le pouvoir est politique, l’antisémitisme est politique. Lorsque le pouvoir est nationaliste, l’antisémitisme l’est aussi. Lorsque le pouvoir politique est affaibli, l’antisémitisme court après le vrai pouvoir, aujourd’hui atomisé (médiatique, intellectuel, etc.) »[77]. Goldnadel constate « …qu’à travers les âges, et notamment à travers le siècle qui vient de s’achever, l’antisémitisme français est resté une donnée essentielle et traditionnelle, de l’affaire Dreyfus en passant par Vichy, de la vie politique, culturelle et sociale de ce pays. » (p.130-131) Ce constat dénonce le fait que l’antisémitisme en France s’allie et concilie avec la vie et l’histoire de cette nation, à la manière d’une identité nationale ou supposée comme nationale, de par son caractère très virulent et sur une longue continuité historique. « C’est donc sur un terrain particulièrement favorable à la diffusion du virus que la gauche française prend le relais de la domination idéologique, au moins à partir de la Libération. Il se trouve que cette gauche présente la particularité d’avoir toujours été, sinon dominée, au moins fortement impressionnée et influencée, par les courants extrémistes révolutionnaires, d’abord communistes staliniens, ensuite trotsko-léninistes de son aile gauche. Encore aujourd’hui, il est difficile de ne pas constater que le curseur politique de la société française est, dans les domaines médiatiques, culturel, artistique, inclinée bien plus sur le côté gauche que la majorité des états l’Europe. […] …à notre avis, à la fois pour des raisons de tradition et de configuration politique qu’aujourd’hui Paris pourrait légitimement ambitionner d’être la capitale européenne de l’antisémitisme renouvelé. » (p.131-132)

 

Traveling final

Le dernier exemple poignant de cette sanglante et tragique réalité, fait une nouvelle fois ravage et décide l’auteur, par « réaction automatique », aux faits, de faire face à cette récente actualité, très médiatisée, qu’est celle du Sommet de Durban. Celle-ci est la preuve irréfutable qui ne manque pas de conforter une nouvelle fois, la thèse étayée par Goldnadel. « Voilà un sommet de l’antiracisme qui atteint les sommets du racisme antijuif. Voilà des organisations non gouvernementales prétendument éprises de droits de l’homme qui rivalisent d’antisémitisme. Voilà une Union des avocats arabes qui distribuent des tracts présentant des caricatures de juifs dignes du Stürmer. Voilà des résolutions qui se proposent de stigmatiser l’antisémitisme en précisant que ce sont les Arabes qui en sont les principales victimes. Voilà toute la palette de l’instrumentalisation de la Shoah à l’encontre du peuple juif, de la version arabe hard qui la nie purement et simplement et évoque le génocide du peuple palestinien, à la version soft du secrétaire général des Nations unies qui, dans la même phrase, s’incline devant les victimes du génocide juif mais s’empresse d’ajouter que les Palestiniens ne sauraient en faire les frais. Voilà une conférence qui devait traiter de l’esclavage des Noirs d’Afrique, confisquée par les Arabes, pourtant principaux responsables de la traite des Noirs, et qui continuent au Soudan, de nos jours encore, à perpétuer la tradition pour des centaines de milliers de femmes et d’enfants. Mais de cela il ne saurait être question, puisque seul le sionisme est d’actualité… […] …ce rendez-vous mondial de la haine de la vieille Europe, matrice de cette haine, ait été à la hauteur de ses responsabilités et de ses prétentions, en conservant un langage compassé et conciliant, en cherchant à tout prix le compromis compromettant… » (p.135-137).

 

L’auteur rajoute que « …les Européens seraient davantage fondés dans leur sévérité si eux-mêmes n’avaient pas fait montre d’une égale tendresse pour certains États terroristes islamistes. Il est significatif, par exemple, de noter que le jour même des attentats de New York et de Washington, par un cruel hasard, l’édition du Monde datée du 12 septembre (p.5) annonçait « un rapprochement diplomatique entre l’Iran et les Quinze ». (Extrait note 1, p.138-139). De même, « Dès le lundi 17 septembre matin, un éditorialiste provincial cité sans état d’âme par le préposé à la revue de presse matinale de France Inter proposait de régler sans désemparer la question israélo-palestinienne afin « de donner un gage aux musulmans ». Cette idée-force est, depuis, systématiquement reprise avec un ensemble presque unanime par la classe politique française, du Parti communiste de Robert Hue au FN de Jean-Marie Le Pen. Une bonne partie de la presse n’est pas en reste ; c’est également ce qui se dit souvent dans les dîners chics parisiens comme sur les parkings des cités de banlieues. » (Note 2, p.139)

 

Derniers avertissements

Les conseils de l’auteur porte sur la manière la plus naturelle de comprendre les faits, les choses qui se présentent à nous, en bien ou en mal, peu importe. Ici, on nous informe sur les diverses blessures intemporelles et continuelles, afin de titiller nos connaissances, notre savoir. Goldnadel nous indique, à l’aide d’exemples réels, l’existence d’un pouvoir certain, assuré ou non, de dire fermement « Non », « L’heure est peut-être venue de dire non. Non au fatalisme du mensonge et de l’ineptie. Non au lâche renoncement face à l’intimidation du conformisme. » (p.141) Ce « Non » est une demande de reconnaissance d’une identité floutée et dénigrée, une manière de mettre un mot pour qualifier le caractère innommable des attaques que vivent, au quotidien, les Juifs, en leur propre pays et en dehors, principalement en Europe ou en France. Ceci est comme un appel à toutes les consciences « ouvertes », les responsabilités de l’homme, son humanisme et sa solidarité, face aux victimes d’actes extrêmes de violence. Ainsi, « …après le passage des séismes, les mots colère, humiliation, frustration, vexation, vengeance, se traduisent fort bien en arabe, mais sont introuvables dans un dictionnaire d’hébreu moderne » (p.144).

 

Pour l’auteur, ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est le respect et l’application quotidienne d’une phrase du Talmud, « Celui qui donne sa pitié au méchant fait tort au juste… » (p.147) On peut remarquer que « méchant » est utilisé au singulier, ce qui donne à croire qu’il s’agit d’un tout, d’un ensemble constituant une seule et même partie, un parti politique par exemple. C’est aussi une généralisation, une globalisation de tout caractère identique et constant, devenant une identité unique pour chaque « méchant ». Goldnadel nous précise alors que le méchant dont il parle tout au long de cet ouvrage est l’antisémitisme. « Le Talmud parle d’un seul méchant. Il n’y a qu’un seul antisémitisme. Mais il n’y a pas qu’un juif. » (p147) Voici donc une liste non exhaustive de ce qu’on peut déterminer comme « juif » : « Tous ceux qui disent non. (...) Tous ceux qu’on massacre en silence. Pas seulement pour le prime time. Tous ceux qu’on méprise. Tous ceux qu’on abandonne. Les chrétiens noirs du Soudan, les bouddhistes du Tibet, comme les petits vieux de nos banlieues. Juifs, mes frères. Dites non. » (p.147-148) Nous pouvons donc dire que, sont considéré comme « juifs » tous ceux qui subissent de plein fouet la vexation mortificatoire identitaire[78] et qui sont incapables de s’en défaire, tant l’enracinement du « Mal radical » est profond.

 

Petit lexique critique

C’est un genre de dictionnaire critique des termes, des mots usités par l’auteur dans son ouvrage, dont le relevé minutieux est composé par ordre alphabétique. La compréhension s’offre une neutralité objective, malgré un certain degré d’appréciations personnelles et une critique assez soutenue. De ce fascicule intégré à l’œuvre, façon « annexe » ou « complément d’étude », nous ne retiendrons que ces quelques mots : antisémitisme, colon, goy, Judée, juif, racisme, Shoah, terrorisme.

 

Et voici comment l’auteur procède :

            - Antisémitisme : Terme inventé à la fin des années 1870 par le publiciste allemand anti-juif Wilhelm Marr. Phénomène très ancien d’antipathie nourri à l’égard du peuple juif ou de la religion juive. (…) Lorsque les juifs sont considérés comme une race ou une ethnie, l’antisémitisme devient une variante du racisme. (…) Par la grâce d’un jeu de mots assez facile, certains sémites invoquent leur appartenance à cette ethnie pour exclure d’emblée l’antisémitisme qu’on pourrait être conduit à leur reprocher. Raison pour laquelle certains sont fondés à employer le terme synonymique d’« antijudaïsme. » (p.149)

            - Colon : Synonyme : pionnier. Habitant d’une colonie. Or, en raison de la mauvaise conscience occidentale à l’égard des anciennes colonies, ce terme est chargé au fil du temps d’une connotation nettement péjorative. (…) D’une manière générale, la question des colonies de peuplement, encore appelées « implantations » juives, est considérée par les observateurs comme l’un des problèmes les plus sensibles du conflit israélo-palestinien. Il convient néanmoins de rappeler que le gouvernement de M. Barak avait accepté le principe du démantèlement des principales implantations dans le cadre d’un accord politique définitif, sans pour autant apaiser la querelle. Il convient également, pour être complet, d’observer que certains colons juifs acceptent de rester dans les implantations, même sous la souveraineté du futur État arabe palestinien. Force est de constater que cette éventualité ne retient pas l’adhésion du monde politique et médiatique, qui réclame le démantèlement complet des colonies et le rapatriement de ceux qui y résident. L’observateur candide, amateur désuet d’histoire et de philosophie, qui se risquerait à suggérer qu’un juif ne saurait être jugé plus indésirable en Judée qu’un étranger ailleurs, déclencherait une irrésistible hilarité. (p150-151)

            - Goy : Gentil. Terme perçu, à tort, comme péjoratif. (p.151)

            - Judée : Antique royaume juif. Littéralement, du latin « terre des juifs ». Zone de Palestine voisine de la Samarie. La Judée a été effacée du vocabulaire médiatique international au profit de la Cisjordanie. (p.151)

            - Juif : Terme autrefois péjoratif synonyme d’avarice (tombé en désuétude). Concept à la source d’innombrables querelles. Selon nous, est juif celui qui se revendique comme tel. (p.152)

            - Racisme : Sentiment ou idéologie basée sur l’aversion pour une communauté ethnique ou raciale. Exemple : le racisme anti-maghrébin. Dans la querelle proche-orientale, ce concept est utilisé par les médias selon des critères sélectifs qui peuvent paraître, a priori, obscurs. C’est ainsi que le mouvement juif radical dénommé Kach, préconisant l’expulsion de tous les Arabes de Palestine, se voit, à très juste titre, accoler en permanence l’épithète « raciste », ainsi que son fondateur, feu le rabbin « raciste » Kahana. Il n’en est pourtant pas le même concernant le mouvement arabe palestinien Hamas et son chef, le « guide spirituel » sheikh Yassin, dont le programme politique est symétriquement identique, et qui ne se voient pourtant pas affabulés en permanence de l’épithète, moins connotée, d’« intégristes ». Il est vrai que, à la suite d’une action meurtrière menée à l’encontre de civils israéliens, le communiqué de l’organisation notait : « Nous avons goûté à la chair des juifs, nous l’avons trouvée bonne », ce qui, peut-être, est considéré comme une appréciation positive. (p.153)

            - Shoah : Génocide de la communauté juive européenne. Annoncé, organisé et réalisé par Adolf Hitler, chancelier du IIIe Reich et chef du Parti national-socialiste. Ce terme, d’origine hébraïque, signifie littéralement « catastrophe ». Shoah est, pour l’heure, le seul terme, appartenant au vocabulaire issu de la souffrance juive, qui n’ait pas encore été repris pour l’appliquer à d’autres situations radicalement différentes. Exemples : le ghetto homosexuel, la diaspora chinoise, le pogrom, etc. Mais il fait actuellement l’objet d’analogies discutables. (p.153-154)

            - Terrorisme : Action meurtrière menée par une organisation politique à l’encontre de civils. En vertu d’un usage journalistique européen, qui, ici encore, ne peut emporter notre entière adhésion, il semblerait que les mouvements palestiniens, à la différence des organisations basques, irlandaises, kurdes, arméniennes, tamouls, etc., échappent à la définition terminologique précitée, y compris le mouvement Hamas. Les choix sémantiques opérés vont du « militant » à l’« activiste » ou à l’exotique « kamikaze ». (p.154)

 

Ce « petit lexique critique » de 7 pages, termine l’ouvrage.

 

Comme nous l’avions prévu, passer les a priori et les préjugés, nous ont valu de discerner avec lucidité, les apports et les intérêts qu’un sociologue digne de ce nom peut découvrir. Ce livre nous permet aussi de faire le lien avec quelques ressemblances, à titre d’exemples, avec les « problèmes », le « souci » permanent que subit le peuple malagasy[79] et les déboires et dénigrements que subissent les Juifs et leur État. C’est en prenant pour repère historique un peuple systématiquement bafoué et opprimé comme les Malagasy que nous pouvons passer au-delà des vicissitudes de lecture, c'est-à-dire de regarder au travers des appréhensions socioculturelles et socio-intellectuelles qui nous privent d’emblée, d’une bonne compréhension du contenu de cette œuvre.

 

En somme, Goldnadel aurait pu, pour plaire au plus grand nombre, intituler son livre, « Israël. État des lieux », mais il n’aurait sûrement pas eu le même succès qu’aujourd’hui. Nous recommandons cet ouvrage, à qui sait garder l’esprit ouvert, à qui ne ferme pas ses portes au moindre coup de vent, à qui sait être patient et compréhensif, à qui sait aussi s’ouvrir à l’Autre, au-delà des différences, à cet « étranger » baigné dans un océan d’étrangetés qui d’emblée nous fait frémir. Cette lecture s’adresse, à tous ceux et celles qui n’ont pas peur de voir la réalité en face !

 

ANDRIAMANAMPISOA Shatia, 2013.

 

 



[2] Créée par ANDRIAMANAMPISOA S., dans Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du 13 Mai 1972 à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle de Doctorat, 2012.

[3] Id. ibid. ANDRIAMANAMPISOA S., 2012.

[4] Nous évoquons ici la situation en Europe, et plus particulièrement en France. Aux Etats-Unis, la vision du problème est très différente. Nous tenterons d’expliquer plus loin cette différence. (Note 1, p.62)

[5] Il m’avait fait l’honneur de témoigner contre un certain journal ayant gravement dérapé pendant la guerre du Liban. (Note 1, p.9)

[6] Nous pensons ici aux affaires Dreyfus, Raddad, Akobé, Simpson. Quelle différence entre le « que Dreyfus soit coupable, je le déduis de par sa race » de Barrès et l’affirmation de Vergès selon laquelle Omar a été condamné parce qu’il est arabe ? (Ce qui évidemment n’épuise pas le débat sur son innocence alléguée). L’affaire O.J.Simpson n’est-elle pas au regard des deux victimes de ce crime impuni, équivalente, compte tenu du préjugé – en l’espèce favorable – à l’affaire Callas ? Au nom de quelle principe Véronique Akobé, Ivoirienne et meurtrière des consorts Scheer père et fils, devait-elle bénéficier d’une mesure de grâce exceptionnelle moins de deux ans après son incarcération (lire notre article dans Le Figaro du 13 août 1996) ? (Note 1, p.11)

[7] Processus cité et expliqué dans notre thèse confidentielle, Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du « 13 mai 1972 », à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Besançon, nov.2012.

[8] Puisqu’il s’agit aussi des Juifs vivant en dehors de leur territoire, nous optons pour l’usage du mot « acclimatation » qui démontre le fait de faire vivre un « être vivant » (faune, flore, humain) hors de leur milieu d’origine, afin d’opérer une sorte de présentation, de mise en vitrine, de « zoo humain », au lieu d’acculturation (processus de changement culturel résultant de contrats entre des groupes de différentes cultures). La figure du présentoir est omniprésente et est aussi bien positive que négative, selon le contexte.

[9] Notion imposée par la conscience européenne, durant les périodes coloniales, aux pays du Sud principalement. Le tribalisme fait référence à la tribu, dénomination réservée aux sociétés primitives (d’Afrique, des forêts tropicales, des Indiens d’Amériques, des esquimaux, etc.) qui s’organisent selon les principes d’un groupement social vaste, souvent multifamiliaux et associé à un territoire et une organisation politique. Ses membres parlent la même langue. Souvent, les anthropologues définissent la tribu comme étant une sorte de société figée au stade « primaire » sur l’échelle de l’évolution des sociétés humaines. Afin d’éviter des « tracas » déstabilisants voire inutiles, beaucoup de chercheurs préfèrent user du terme « ethnie », faisant de la tribu, une ethnie. Ainsi, le tribalisme devient un terme péjoratif qui désigne une organisation de type tribal.

[10] A Madagasikara.

[11] A Madagasikara.

[12] Utiliser à son profit.

[13] ARENDT H., Auschwitz et Jérusalem, Presse Pocket, Paris, 1991.

[14] RABINOVITCH G., De la destructivité humaine. Fragments sur le Behemoth, PUF, Paris, 2010.

[15] Ci-après, la liste non exhaustive des victimes juives (et non israéliennes…) assassinées hors de l’espace territorial israélien par des groupes « antisionistes » islamistes, palestiniens, extrémistes de gauche… Il convient de remarquer que ces personnes, bien qu’assassinées uniquement parce qu’elles étaient nées juives, n’ont pas été considérées comme victimes d’un racisme antisémite (à moins que l’on ait effectivement envisagé au préalable, par une erreur trop fréquente, la piste d’extrême droite…) mais du conflit proche-oriental dans lequel on s’évertue pourtant à bien séparer juifs et Israéliens… (Note 2, p.22)

[16] L’empire romain est le berceau de l’antisémitisme, d’une doctrine, d’une attitude farouchement hostile et systématique envers les Juifs. Cet antisémitisme se développera très vite en Europe chrétienne avec la multiplication de ghettos et des mesures d’exclusions. Il s’alimente de croyances calomnieuses et d’une instruction religieuse tendancieuse (les Juifs = peuple déicide). L’européanisation (France, Allemagne, l’Est européen) de l’antisémitisme devient ensuite une internationalisation par « contamination » des autres peuples, puisqu’il associe délibérément les anciens préjugés religieux et économiques (Juifs banquiers et usuriers) et les théories pseudo-scientifiques du racisme. Résultat, de 1940 à 1945, 5 à 6 millions de Juifs européens sont exterminés au seul nom de l’idéologie national-socialiste.

[17] De veine, littéralement, région. Ruelle.

[18] Lire aussi DRUMONT, La France juive, 1886 ; TOUSSENEL, Les Juifs, rois de l’époque ; GOBINEAU, Essai sur l’inégalité des races humaines (vertu aryenne vs dégénérescence sémite), mais aussi les écrits de DUHRING (antisémitisme racial) ou CHAMBERLIN H.S. (race juive = race destructrice par essence).

[19] Du latin vindicare, signifie venger. Manifester un désir de vengeance.

[20] « Dans sa correspondance à Engels, Marx traite son camarade socialiste Ferdinand Lasalle de « négro-juif ». Selon lui, « les juifs de Pologne sont la plus sale de toutes les races » (…) « Je sais maintenant, comme d’ailleurs sa forme de tête et ses cheveux le prouvent, qu’il descend des nègres, de ceux qui ont suivi Moïse lors de la fuite en Égypte (à moins que sa mère ou sa grand-mère n’ait forniqué avec un négro). Ma foi, ce mélange de type juif et germanique et de fond négroïde ne peut donner que quelque chose de bizarre. » (Extrait note 1, p.32)

[21] Concept élaboré par ANDRIAMANAMPISOA S., dans Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du 13 Mai 1972 à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle de Doctorat, 2012.

[22] Le journal La Croix, fondé par les assomptionnistes (religieux d’une congrégation catholique, fondée à Nîmes, en 1845, par le P. Emmanuel d’Alzon. Ils se consacrent aux œuvres de pèlerinage, d’enseignement et de presse), a pratiqué avec une belle constance cet « enseignement du mépris » dénoncé par Jules Isaac. La Croix, violemment antidreyfusarde, stigmatisait ce « judaïsme qui veut voler la richesse nationale, le corps de la France. » (Note 3, p.34)

[23] L’année 1972 à Madagasikara est dramatique et coïncide avec l’une des grandes Révolutions dans l’Histoire des Malagasy, depuis la colonisation française (1895).

[24] Ici, l’exemple choisi par l’auteur est le cas « Juif », mais la notion de bouc émissaire peut être appliquée à d’autres exemples.

[25] Nous ajouterions : « Les juifs sont les plus grands des escrocs », ce que nous nommons le superlativisme, particularité fréquente du racisme antisémite. (Note 1, p.38)

[26] Qui loue, glorifie, vante.

[27] « …ces deux phénomènes ont secoué violement la plaque tectonique de l’histoire humaine moderne. » (p.45)

[28] « …ils ont provoqué une tempête sous les crânes de nos contemporains. » (p.45-46)

[29] Dessin imprimé sous la peau avec un colorant indélébile. Il permet l’identification de son auteur ainsi que son possesseur. Il rend visible l’existence d’une identité qui semble passer inaperçue dans un groupe donné.

[30] Du grec ostrakos, coquille sur laquelle le citoyen écrivait le nom du condamné au bannissement. Mettre à l’écart, bannir. Politique destructive, dirigée contre une ambition ou une puissance identifiée.

[31] Stratégie comportementale, individuelle ou collective, volontaire ou inconsciente (suivre le groupe d’appartenance), permettant de se protéger d’un danger, d’un obstacle et de défendre une position, une identité spoliée, non reconnue ou en déclin. C’est en quelque sorte, se « supprimer » pour pouvoir survivre, donc aussi une stratégie de survie pour éviter une prochaine extinction, disparition.

[32] Endurcie, résistante, coriace.

[33] En histoire et en sciences politique, cette doctrine et ce mouvement vise à regrouper les juifs dans une communauté nationale. Il reçoit sa consécration doctrinale avec Théodore Herzl et son livre L’État juif, en 1896. Le Fonds national juif dès 1901 rachetait les terres de la Palestine. L’État d’Israël fut fondé en 1948, faisant suite à la Seconde Guerre mondiale et l’holocauste des juifs Européens. Son existence est constamment menacée et contestée par le monde arabo-musulman.

[34] Piège, tromperie, mensonge.

[35] « Acronyme hébreux signifiant « armée d’Israël ». Seule armée dans le monde à être appelée par son nom. » (p.155)

[36] Image métaphorique d’ANDDRIAMANAMPISOA S., reprise pour l’exemple du « Mai 72 » d’Antananarivo, dans Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du 13 Mai 1972 à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle de Doctorat, 2012.

[37] La notion d’image nous paraît essentielle tant dans la psychologie juive que dans le discours antisémite, le second influant sur la première dans un dialogue permanent. David ben Gourion aimait à dire à ses concitoyens israéliens : « Peu importe ce que pensent et disent les goyim, ce qui importe c’est ce que font les juifs. » Cette incantation était déjà hautement problématique, à tous égards, en Palestine. Elle exhortait surtout les Israéliens à rompre avec la mentalité diasporique, obsédée par l’image proposée à l’Autre. (Note 1, p.50)

[38] Du grec archetupon, modèle supérieur. Pour les psychanalystes comme Jung G., c’est un ensemble de symboles hérités d’un passé lointain, constituant de l’inconscient collectif et suscitent ou expliquent certains comportements individuels. Exemples : l’interprétation des rêves pour Freud ; l’explication des mythes pour Lévi-Strauss.

[39] Processus d’acclimatation-assimilation de l’identité d’origine à une seconde, autres us et coutumes prenant en contrepied la première, par l’usage d’une forte répression mentale (prégnance des flous historiques, transformation des traces du passé, censure sur les vérités indéniables constatées. C’est le principe du miroir déformant, où l’acclimatation est le fait de faire vivre des êtres ou des éléments, en dehors de leur milieu d’origine. (Exemple : les jardins d’acclimatation, les zoos, etc.). Ce dénigrement volontaire sur le long terme est une « mainmise » sur les droits et la dignité d’un individu ou du groupe. Voir ANDRIAMANAMPISOA S., Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du 13 Mai 1972 à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle, 2012.

[40] Peuple d’origine hébraïque. Cette « identité mère » est aussi traitée, Id. ibid. ANDRIAMANAMPISOA S., 2012.

[41] Les anthropologues nord-américains de la fin du 19ème siècle, le terme peut prendre deux sens. Le premier désigne les mécanismes d’apprentissage et de socialisation par lesquels un individu intègre les éléments de la culture à laquelle il appartient. Le deuxième désigne un processus et un changement entraînés par les contacts et interactions réciproques entre groupes ethniques différents : assimilation, affrontement, création de nouvelles identités, etc.

[42] Terme d’origine anglo-saxonne.

[43] L’impossible coexistence de deux États-Nations (souverains et indépendants) sur un même territoire. A l’exemple du choc des civilisations, entre la France Républicaine et les dynasties souveraines malagasy. Ce terrifiant drame national donnera lieu à l’anéantissement de l’État-Nation Merina, à la dissolution de la totalité des lois et de la Constitution royale, à la perte de l’indépendance et de l’autonomie, à l’imposition arbitraire d’un flou historique sur les origines du peuplement malagasy, à l’éradication des signes physiques et spatiales de l’identité nationale (le chalet d’hiver de la Reine à Anosy est détruit et remplacé par un ange noir, monument funéraire à la mémoire des soldats morts pour la France au Chemin des Dames, la nationalité merina disparaît pour laisser place au code de l’indigénat et un passeport pour circuler à l’intérieur du pays, les statuts des ambassadeurs royaux sont abolis, tout comme l’usage de la langue malagasy au profit du teny baiko (français), etc.). En somme, la colonisation française à Madagasikara reste toujours un thème d’actualité malgré les siècles écoulés et une parfaite maîtrise des médias extérieurs, par les fameuses : « diplomatie française » et « Françafrique ». Les détails sont dans notre thèse confidentielle.

[44] De nombreuses répliques du séisme Tsahal furent enregistrées durant les années 1970. De multiples hauts faits d’armes accomplis par les nouveaux Hébreux enthousiasmèrent le monde entier, à commencer par le monde juif. L’apothéose fut incarnée sans conteste par la libération le 27 juin 1976 des otages juifs et israéliens capturés par un commando composé d’Allemands et de Palestiniens sur l’aéroport ougandais d’Entebbe. (Note 1, p.57)

[45] Note 1, p.59

[46] En sociologie, doctrine affirmant la pureté de certaines races, leur supériorité leur donnant droit à maintenir leur autorité sur les races inférieures. Il s’agit d’un ensemble de préjugés (opinions péjoratives, plus ou moins implicites, sans vérification ni contrôle critique, d’un individu ou d’un groupe, à l’égard de l’Autre) sans fondement scientifique, provoqué généralement par une situation de concurrence ressentie comme une menace. La supposée doctrine ne constitue alors qu’une « justification », a posteriori, prenant des formes différentes, historico-philosophiques, pour GOBINEAU, anthropométriques ou biométriques, pour GALTON).

[47] Du grec xenos (étranger) et phobos (crainte), il s’agit d’une forme d’hostilité à l’encontre des étrangers. Sa forme la plus agressive est appelée « ethnocentrisme » (concept créé par SUMMER W.G.) et est souvent alliée à un puissant nationalisme.

[48] Préjugé péjoratif avec une charge affective qui donne une perception ou un jugement rigide et simplifiée d’une situation, d’un groupe ou d’un individu. Pour Allport, il s’agit d’un procédé d’économie, mis en place afin de ne pas remettre en cause un jugement. La notion de stéréotype est issue des travaux de recherche nord-américains sur la tendance à attribuer des « clichés » souvent négatifs, dépréciatifs, à des groupes nationaux ou des individus représentant ce groupe ciblé. Lippmann le désigne comme le résultat d’un processus de condensation et de schématisation d’une généralisation simplifiée des opinions et comportements de quelques individus à l’ensemble du groupe. Cette simplification « extrémiste » devient « caricaturale » et propose au lecteur une figure « pétrifiée » de son inflexibilité caractérielle, qui le distingue alors du préjugé.

[49] Refus d’accès au « devoir de mémoire », au « droit à la connaissance » de l’Histoire et sa transmission intergénérationnelle.

[50] Pour HUME, c’est une doctrine niant une vérité ou qu’une certitude absolue puisse être atteinte.

[51] En psychanalyse, il s’agit du refoulé, du non-dit ou encore, en histoire, des flous historiques, de modifications par omissions de la réalité. C’est en cela que la dénégation est une perversion.

[52] Notion polysémique, d’usage courant, s’emploie aussi dans divers domaines de recherche en sciences humaines et sociales (sociologie, anthropologie, psychologie sociale, démographie, ethnologie, etc.), ainsi que d’autres champs d’études (psychanalyse, économie, droit, philosophie, politique, etc.). L’identité est un principe permanent et fondamental d’appartenance individuelle ou collective, à un groupe définit.

[53] Voir les débats et les heurts en France, concernant par exemple le « mariage pour tous ».

[54] Rappelle aussi bien celui du Léviathan de Rabinovitch que la symbolique représentation du « sang » dans les civilisations modernes sous influences médiatiques (Internet, cinéma).

[55] Pays de référence de l’auteur.

[56] En psychologie, il s’agit d’un rappel exagéré des souvenirs, au cours de certains troubles psychiques.

[57] Extrait note 2, p.105.

[58] Extrait note 3, p.109-110.

[59] Extrait note 1, p.114.

[60] Variante moderne et locale du judéo-centrisme goy (qui n’a évidemment pas disparu).

[61] En 1975, ils concernent quasi exclusivement des liens supposés d’origine impérialiste tant en Afrique du Sud qu’en Israël. Le sionisme était considéré comme une idéologie impérialiste et raciste.

[62] Extrait note 1, p.116.

[63] ARENDT H., Auschwitz et Jérusalem,  Presse Pocket, Paris, 1991.

[64] RABINOVITCH G., De la destructivité humaine. Fragments sur le Béhémoth, La nature humaine PUF, Paris, 2009, p.23.

[65] Id. ibid., p.37.

[66] « Il est clair également que pour l’antisémitisme occidental traditionnel le Juif représente l’oriental, le levantin affairiste en Europe, aux pays du soleil Levant, le Juif incarne le capitaliste occidental aux commandes. », note 1, p.122.

[67] Op. cit., RABINOVITCH G., p.58-59.

[68] Nom originel de l’île Rouge, plus connue au 21ème siècle, sous son appellation coloniale « Madagascar », qui demeure d’usage en France et dans certains pays francophones. De même, par malgachisation du français, en 1960, Madagascar devient officiellement « Madagasikara ». Ce thème ainsi que celle de la mainmise est traité dans ANDRIAMANAMPISOA S., Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du « 13 mai 1972 », à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle, Besançon, nov.2012.

[69] Attitude de refus systématique, de dénigrement. En psychologie, il s’agit d’un ensemble de conduites de refus et d’opposition qui traduisent une rupture du contact avec autrui.

[70] LYOTARD J-F., « La Mainmise », dans Un trait d’union, PUG, Paris, 1993.

[71] BIRMAN J., « Aux frontières de la barbarie », dans Civilisation et barbarie, réflexions sur le terrorisme contemporain, PUF, Paris, 2002.

[72] La Rochefoucault, La Bruyère, Saint-Évremont ou encore Mirabeau.

[73] Op. cit. RABINOVITCH G., p.39-40.

[74] Id. ibid., p.91.

[75] « Le superlativisme des extrémistes de gauche, leur révisionnisme éventuel, ne sauraient être confondus a priori avec l’anti-israélisme, rarement suspect, d’un journal de gauche, comme Le Monde par exemple, qui adopte une attitude sévère envers tous les signes d’autorité étatique, y compris dans le cadre des problèmes rencontrés par la société française. Le grand séisme, notamment, est passé par là… ». Extrait note 1, p.129-130.

[76] Extrait note 1, p.129-130.

[77] Extrait note 1, p.131.

[78] Modèle conceptuel d’ANDRIAMANAMPISOA S., dans Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du 13 Mai 1972 à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle de Doctorat, 2012.

 

[79] L’origine de la majorité du peuple malagasy et des Merina (peuple des hauts plateaux et leurs dynasties royales) sont hébraïques. D’où l’abolition de leurs mœurs ancestraux et leurs us et coutumes, leur Constitution et la nationalité merina, l’incessante tentative d’abolition de leur langue et leur identité, depuis la colonisation française à nos jours. Voir ANDRIAMANAMPISOA S., dans Socio-anthropologie d’un lieu de mémoire. La Place du 13 Mai 1972 à Antananarivo-Madagasikara (Madagascar), Thèse confidentielle de Doctorat, 2012.

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