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Suite: Les raisons de l'abandon précoce des études universitaires

II. 1. 3. Identification de soi et de l’environnement

 L’identification de la ville par les étudiants est une des composantes de notre thème de recherche car, les pratiques estudiantines dans la ville permettent aux étudiants de faire un apprentissage individuel des codes déjà instaurés dans la vie sociale adulte.

 Selon LYNCH, la ville est une chose qui se laisse percevoir par ses habitants. Il existe des « zones d’accords » qui se dévoilent dès lors que l’on se trouve dans une même réalité physique, une culture commune ou bien encore une nature physiologique identique. L’image de la ville introduit donc le « concept d’imagibilité ». L’image mentale n’est donc qu’une production immédiate de sensations véhiculées par le souvenir du passé, vécu dans un endroit. Cette forme de mémorisation enrichit la connaissance de la ville car c’est une « action rationnelle orientée vers la maîtrise de l’environnement ».

 Le schéma « stimulus-réponses » s’articule avec la perspective psychologique par l’association de « système de signes physiques » et de « mécanismes de réactions adaptatives ». En effet, ce schéma se réalise sur le terrain comme tous les schémas communicationnels où lorsque l’individu reçoit un message, qu’il en a compris le sens, le code, il réagit de manière à respecter les règles et à rester en conformité avec son environnement. De ce fait, l’individu y répond de la manière souhaitée par celui qui lui a envoyé le message.

 Une deuxième vision de la ville est donnée par LEDRUT. Selon lui, la ville est une « compréhension du monde urbain qui dépasse l’appréhension du territoire marqué, plus ou moins familier ». La ville a donc « pour les hommes des significations qui entrent en jeux dans le repérage, la lisibilité et l’adaptation psycho-biologique ».

 Ainsi, on discerne trois « modalités de perception », de soi et de son environnement, pour élaborer une carte mentale. Ce sont la cognition, l’évaluation et la modalité active.

 

II. 2. Influence de la prise d’autonomie de l’étudiant sur la réussite scolaire

II. 2. 1. Le mode d’hébergement et ses significations-compréhensions

 Pour une grande partie des étudiants « décohabitant » avec les parents, la fréquence des rencontres avec ces derniers demeure importante. Cela crée une incertitude dans la définition même du lieu réel de logement permanent. Même si cette séparation avec la sphère familiale conduit l’étudiant à vivre à une certaine distance du lieu de résidence parental, la référence résidentielle est encore souvent hésitante et la dissociation de ses deux lieux devient une source de problèmes.

 On utilise trois niveaux d’analyse qui se distinguent entre elles par des degrés variables appartenant à la psychologie de l’environnement. Le niveau  « sujet », son système d’appartenance et son expérience environnementale, équivaut à une production graphique des sujets concernés. Plusieurs variables entrent donc en jeux. Les variables personnelles portant sur les variations représentationnelles corrélatives à l’âge et la nature des lieux dans lesquels l’individu évolue ; les différences sexuelles démontrant que les capacités à s’orienter dans l’espace, le choix des paysages et l’habileté spatiale diffèrent selon la « théorie de la spécialisation » présentée par MORVAL et LITTLE. Ce dernier présente une typologie d’attitudes adoptées face à l’environnement.

 On arrive ainsi à trois visions des choses : celles des explications « spécialistes » où on s’intéresse d’avantage à l’aspect humain de l’hébergement (l’espace, les passants, la personnalité de l’étudiant) ; celle des explications s’intéressant à  « l’objet » dans son caractère physique ; puis celles dites « généralistes » qui englobe un ensemble d’éléments appartenant aux deux premiers registres et qui ont une dimension égocentrée c’est-à-dire où l’espace est exclusivement lié aux besoins personnels de l’étudiant, avec le raisonnement simple selon lequel « je vais chez mes parents pour diminuer certains coûts (donc j’y habite) comme la lessive etc. et j’habite chez moi pour recevoir mes amis etc. ». Certaines variables sont liées aux systèmes d’appartenance des individus.

II. 2. 2. Délimitation des lieux de vie (ville-campus)

 Les variables liées à l’expérience environnementale s’inscrivent dans la catégorie appartenant au passé du sujet (lieu de naissance, d’enfance ou d’adolescence) englobant la nature (rurale, urbaine) de ces espaces liés au vécu chargé d’affectivités et inscrit dans un processus d’ancrage socio-spatiale.

 Le cycle d’étude, l’université d’appartenance et la filière influent sur le mode d’appropriation du territoire et donc sur la carte mentale. Il en est de même pour les variables telles que la catégorie socioprofessionnelle des parents ou bien la position sociale, qui toutes garantissent une richesse et une qualité de restitution d’éléments descriptifs prouvant une bonne connaissance ou non des lieux environnementaux. Partant de là, la durée de résidence est une variable fortement discriminante, dans le sens où le style d’observation varie en fonction de son « ancienneté spatiale », car les repères spatiaux ont une signification symbolique demandant une bonne connaissance de cet environnement cognitif élaboré. Le constat est le même pour le mode de transport (en voiture ou à pieds) où se distinguent, le mode d’appropriation de l’espace et la définition du territoire, de la capacité à mémoriser par exemple les détails architecturaux (aux éléments anonymes) de l’espace.

 Les étudiants « décohabitant » conservent toujours des liens familiaux assez réguliers, voire « plus étroits pour les filles, les jeunes étudiants ainsi que ceux issus de milieux sociales modestes ». Pour ceux qui habitent non loin du lieu de résidence parental, ils vivent une « double vie ». L’autonomie résidentielle est donc fondamentalement basée sur des notions telles que l’indépendance, la liberté et la responsabilité alliée à un certain degré de maturité. L’étudiant est enclin à devenir un agent actif dans le marché du travail, en s’inscrivant dans une activité rémunérée en parallèle à ces études universitaires. Cette dernière pratique nous permet de « distinguer les étudiants « migrants » des « sédentaires » ». Plusieurs indices sont mis à disposition du sujet pour l’élaboration de sa carte mentale. De ce fait, il a besoin d’une « qualité d’orientation spatiale » afin de pouvoir mesurer la distance entre la réalité et ce qui est perçu. Il est impératif de bien connaître la nature des lieux car cela permet de pointer avec précision la nature d’un lieu (sportif, administratif, de travail, de sociabilité, villages universitaires et les commerces).

 Les limites du territoire estudiantin apparaissent lorsque ceux-ci sont capables de décrire ou de préciser la nature des lieux liés à leur vie estudiantine. Cela permet d’appréhender la symbolique urbaine et la capacité d’« imagibilité » des étudiant(e)s. Ces derniers opèrent un mode de repérage différencié d’un même territoire, le campus, modelant et formatant à cette occasion, une carte mentale à trois modalités : défaillante, partielle ou globale. Chacune faisant partie des composants de la vie estudiantine, englobant désir d’intégration et espoir d’identification au groupe. Ainsi, le campus fonctionne à la manière d’un miroir renvoyant une projection de soi et une image du groupe d’appartenance.

II. 2. 3. Entrée dans la vie active et ses conséquences

 Sur le campus comme en ville, les parcours deviennent des « rituels » où la mise en scène du groupe montre bien son « effervescence groupale », demandant à chaque participant d’interpréter minutieusement tous les mécanismes de défense afin de sauvegarder leur fragile cohésion face au marché du travail et à la concurrence. Le campus a une charge émotionnelle particulièrement forte, mais allant dans un sens de recherche d’identité, d’appartenance au groupe. Il est synonyme d’anonymat et de dépersonnalisation, car l’étudiant ne peut que se réfugier dans son « moi civil » étant donné que son expressivité et sa recherche d’épanouissement personnel sont mis à mal. De ce fait, le campus ne peut pas devenir un lieu de référence (caractéristiques physiques : laideur, béton, absence de vie,…), il incarne un sentiment d’insignifiance (relatif au vécu universitaire) et a des difficultés à se situer dans un système de normes « opacifié par le phénomène de masse » (SEEMAN, Les dimensions de l’aliénation).

 Par contre, la ville est un espace habité et investi de significations profondes d’identités. C’est un espace d’ancrage individuel et social irréductible à son monument. Ainsi, la recherche d’un avenir professionnel et social conduit l’étudiant vers une désappropriation des espaces strictement étudiants, au profit d’un comportement consistant à « surinvestir corollairement à l’urbain ». « L’effet d’âge » et de milieu social contribuent à une association diverse de l’autonomie des étudiants et de leur entrée dans la vie professionnelle. De plus, il faut distinguer entre les activités « régulières » ou « irrégulières », nécessitant plus ou moins de temps et donnant des rémunérations plus ou moins importantes. Cette dernière distinction est essentielle pour la compréhension du mode d’entrée de l’étudiant dans un processus de professionnalisation. Elle permet aussi de mieux appréhender le phénomène d’émancipation financière et de sa gestion par l’étudiant-travailleur.

 L’activité rémunérée est une forme de compromis avec les parents, dans le sens où cela permet aux étudiants de mettre en exergue leurs capacités à devenir autonomes et responsables. Dans ce cas, tous les milieux sociaux sont concernés par cet élément pourvoyeur d’émancipation. La différence réside dans l’appartenance à une certaine origine sociale et un certain âge, car ils ont une influence considérable sur le type de rémunération ou de ressources (en termes de volume). Les écarts se creusent en fonction de l’appartenance à un milieu social spécifique lorsque l’étudiant travaille moins de 15h/semaine. On constate que les étudiants provenant de milieux sociaux aisés, dans cette tranche horaire, travaillent moins que ceux provenant de milieux sociaux populaires. Cependant, cette différence n’est pas très significative, seulement 39% pour les « aisés » contre 44% chez les « populaires ». Toutefois, l’effet le plus marquant s’affiche lorsque le volume d’heures de travail dépasse les 15h/semaine. Cet écart très significatif est une conséquence directe de la position de l’étudiant dans le cycle de vie et dans le cycle d’étude.

 La prise d’autonomie des étudiants ne doit pourtant pas se confondre avec la qualification d’étudiant « post-adulte » qui n’a pas lieu d’être. En effet, l’étudiant aspire à un changement ou une transformation du regard des parents, concernant la place qu’ils occupent dans la famille et leur prise d’autonomie, mais ils ne sont pas pour autant des adultes à part entière car ils s’inscrivent encore dans le processus d’émancipation parental où les expériences de vie et l’acquisition de nouvelles formes de libertés, permettent d’accéder au monde « adulte ». Dans ce cas, la définition de cette période reste floue car il faudrait que le vocable utilisé puisse englober à la fois les dimensions de dépendance et d’indépendance inscrites dans ces situations intermédiaires, dites de « transitions ».

 Des problèmes majeurs qui pourraient se poser à tous les jeunes est de connaître la manière qu’ils ont d’entreprendre la réussite de leur vie professionnelle ainsi que familiale. Ont-ils vraiment un souci de construction de leur avenir ?

On constate que si l’on se base sur la pratique de la double vie des étudiants (boulot et études associées), nous pouvons voir que cette division bipolaire est effectivement une forme de planification de leur avenir (futur métier et vie familiale)[1]. Au-delà de cette distinction, nous tenterons de montrer si cette quête de réussite socioprofessionnelle joue un rôle important dans la construction future des jeunes ainsi que dans leur rapport aux études.

 Pour qu’un individu construise sa vie future, il va mettre en place un certain  nombre de moyens (autonomie résidentielle, travail). « La consultation nationale des jeunes »[2] est un ouvrage qui nous permet de nous faire une idée sur les questions pertinentes que l’on peut se poser dans notre travail. Comme tout individu, les étudiants ont chacun leur type de loisir ainsi que les manières de les aborder. Il nous a paru intéressant d’en savoir d’avantage sur les raisons qui poussent les étudiants à délaisser leurs études au profit de ces loisirs ou de leurs petits boulots. Cette notion de loisir s’inscrit dans une parfaite utilisation de son emploi du temps, sans quoi elle ne serait que cause d’échec pour tout étudiant qui la pratique avec excès. Certes, les « loisirs apparaissent comme le lieu d’une expérience personnelle,… ils permettent le choix et l’initiative et ont ainsi un rôle formateur »[3] mais ils ont aussi une tendant à devenir un « dopage » pour celui qui ne sait pas la pratiquer modérément en alliant ses études, son ou ses boulots avec ces pratiques socioculturelles. Lors de nos entretiens, nous essayerons de voir si les étudiants privilégient la voie des loisirs pour leur entrée dans le monde des adultes ou s’ils donnent une priorité à l’enseignement ou à la famille pour cet apprentissage de la vie ?

 Au vu de cet état de la question, il nous est maintenant possible d’exposer notre axe de recherche ainsi que notre questionnement méthodologique de travail.

 En définitive, les moyens de concilier études et émancipation existent mais il faut passer par des étapes de vie, des rituels, pour pouvoir entrer dans le monde des « adultes » ou comme le dit si bien ERIKSON, « le jeune adulte souhaite dépasser le seuil de la « majorité » en accédant à une pleine citoyenneté familiale qui renvoie à une nouvelle estime de soi par soi et de soi par les parents »[4]. Cette conciliation entraîne le jeune étudiant dans une phase d’adaptation où il subit des effets, positifs (prise d’autonomie) ou négatifs (rupture, échec dans les études). Cela implique donc des sacrifices et de nouvelles pratiques estudiantines, car l’émancipation, l’autonomie et les relations environnementaux prêtent à inclure l’étudiant dans la vie d’adulte responsable tout en le maintenant dans une sorte de moule social et intellectuel qu’il doit définir au préalable et qu’il doit réussir à maîtriser.

 En d’autres termes, il est possible de présumer que la réussite ou l’échec des études universitaires en première année, ne dépendrait que de la capacité de chaque étudiant à harmoniser deux environnements, celui des études et celui de la vie adulte, dans lequel il veut s’inscrire.

 

II. 3.Ouvrages sur le thème des étudiants

II. 3. 1. Les nouveaux étudiants 

 

II. 3. 1. 1. Les conditions de vie

 P. BOURDIEU observe les élèves des classes préparatoires et des grandes écoles dans le but d’approfondir les analyses sur la reproduction. La situation étudiante, à partir des années 90, est marquée par la brusque poussée des effectifs étudiants, qui a commencé dans les années 1987-1988 et qui se concentre dans les premiers cycles universitaires. Ainsi, il étend sa réflexion au-delà de cette problématique concernant la reproduction sociale.

 M.DURU-BELLAT[1] ne remet pas en cause le constat des inégalités sociales qui marquent l'accès à l'enseignement supérieur et la hiérarchie socialement différencié de ses filières. Cependant, on note qu’il existe des travaux qui s'intéressent aux changements perceptibles dans ce cadre global.

 La diversité grandissante d'une catégorie étudiante (diversité sociale, diversité croissante des filières et des établissements) semble mal se prêter à une définition de milieu structuré de façon univoque. C’est ce que souligne J-P MOLINARI[2].

 Quant à D. LAPEYRONNIE et J.L. MARIE, dans leur livre « Campus Blues »[3], nous apportent un diagnostic inquiétant de l'univers étudiant, qui  est marqué par une désorganisation institutionnelle et une anomie sociale.

 L’échec en DEUG ou les difficultés ressenties dans la confrontation entre les étudiants culturellement et socialement peu adaptés à l'université française et les types de formation universitaire pose un problème de définition de la nature des étudiants actuels, dans le sens où ils diffèrent de ceux que l’on avait dans nos universités avant les années 90.

Après les Héritiers, on a vu se succéder dans les universités françaises, de plus en plus d’étudiants plus scolaires, à autonomie réduite et ayant un rapport utilitariste envers le  savoir et les livres.

 Dans le reste du système éducatif, survivent des tendances récurrentes à la nostalgie d'un âge d'or culturel plus ou moins mythique. Ainsi, le rapport de P.MARCOIN concernant la pratique de la lecture chez certains étudiants n’est qu’une prévention. Ce qui revient à « définir a priori l'étudiant comme le familier du livre sans dire de quel livre on parle ou en confondant toutes les sortes de livres, c'est se condamner à constater une perte de plus en plus irréparable »[4].

 Le programme interministériel « Universités et Villes » lancé à la suite du plan Université 2000 a débouché sur des enquêtes de terrain représentant la réalité de la situation étudiante. F. DUBET note les difficultés à définir l'étudiant des années 90 étant donné qu’aucun type idéal nouveau n'a remplacé celui de l'Héritier.

En effet, « quand se croisent la diversité du monde étudiant et la diversité de l'offre universitaire, il se forme un univers d'autant plus complexe que l'un et l'autre de ces ensembles ne se recouvrent pas nécessairement pour former des types d'étudiants nettement identifiables »[5].

 Il considère que « c'est dans les rapports des étudiants à leurs études eux-mêmes, plus que dans les facteurs « déterminants » que l'on peut chercher les principes d'identification et de construction des expériences étudiantes ». Ce constat le mène à faire une distinction entre trois dimensions capitales de cette expérience, qui sont, le projet (éventuellement contraint) par rapport à l'utilité scolaire et professionnelle des études, l'intégration dans l'organisation universitaire et la vie étudiante (socialisation) et la vocation personnelle, liée à l'intérêt intellectuel ainsi qu’à l'accomplissement individuel.

 

II. 3. 1. 2. Des définitions unifiantes

 La diversité fondamentale des situations universitaires, permet de mettre en exergue des facteurs d'unification du milieu étudiant supérieur à la multiplicité des expériences qui privilégient le regard sur la vie sociale et la subjectivité étudiante.

 Ainsi, survient l’affirmation d’Olivier Galland « qu’en dehors de sa définition strictement scolaire, la condition étudiante est d'abord une manière de prolonger la jeunesse. Mais c'est bien, malgré tout, la poursuite d'études en commun qui donne son unité à ce groupe, même si celui-ci se fragmente en fonction des disciplines » [6]. C’est à  l'issue d'une enquête par entretiens et questionnaires qu’apparaît une identification commune à un mode de vie des cadres que ces étudiants adoptent.

Cet auteur nous dit que ce «  ne sont plus des Héritiers mais plutôt des jeunes des classes moyennes (soit par origine soit par aspiration) qui partagent les valeurs de ce milieu »[7]. Ses conclusions fortifient l’idée qu’un groupe social peut être définit par ses valeurs.

 Toutefois, il tient à relativiser l'influence des facteurs universitaires de disparité. Cette enquête pose le problème de recherches portant sur une partie du milieu étudiant, sans spécifier le secteur ou la filière universitaire choisie.

 Pour V. ERLICH, « les nouveaux étudiants » forment « un groupe social en mutation ». Ce travail apporte un regard nettement plus nuancé sur les apports théoriques et statistiques qui sont redéfinis dans des enquêtes de terrain et approfondis par des entretiens. On y trouve une réflexion sur la définition de ce qu’est un étudiant à partir de l’analyse de ses modes de vie. Cela lui permet de ne pas définir directement l’étudiant « moyen », tout en montrant qu’il existe des spécificités estudiantines dans la manière de disposer de leur temps (emploi du temps) et de leur concentration dans des endroits spécifiques (campus, restaurant, cinéma,…). Ces pratiques et ses stratégies individuelles sont des éléments qui concourent à l’élaboration d’un certain mode de vie caractérisé par un très forte sociabilité et une fréquentation excessive de lieux « culturels » de la ville. Les « modes de vie étudiants se constituent et se développent le plus souvent en dehors des lieux universitaires, impliquant une participation à la vie urbaine tournée vers l'extérieur »[8].

Les étudiants sont, dans cette analyse, de jeunes adultes engagés dans une forme particulière de socialisation. Cette étude est foisonne de restitutions vivantes et détaillées (entretiens) de diverses références typiques d'expériences estudiantines.

 

II. 3. 1. 3. L'Observatoire de la Vie Etudiante

 L’orientation majeure issue de la connaissance scientifique du milieu étudiant intervient à partir de 1994. Des analyses sont publiées par des chercheurs de l'Observatoire de la Vie Etudiante concernant les résultats d'enquête commandée tous les trois ans par cet organisme. C’est la naissance de l’enquête systématique de grande ampleur. Elle est pilotée par un comité scientifique qui entreprend d'interroger l'ensemble des étudiants en France concernant leurs conditions de vie et d'études, leur cycle d'études et leur filière dans l'enseignement supérieur, quelle que soit leur localisation géographique.

 Il découle de cette enquête, 28000 questionnaires exploitables qui vont alimenter les ouvrages sur les conditions de vie des étudiants (chez des auteurs comme Grignon, Gruel, Bensoussan, dès 1994), sur le financement de la vie étudiante (chez Eicher et Gruel en 1996), sur les manières d'étudier (Lahire en 1997), sur les parcours des étudiants (Cam, Molinari en 1998), sur la vie matérielle des étudiants (Grignon en 1998) ainsi que sur des rapports et des notes thématiques de l’ove[9].

 Dans leur ouvrage de synthèse sur l'enquête 1997, C. Grignon et L. Gruel nous éclaire sur le plan méthodologique que « dans l'incapacité pratique d'épuiser la variété potentielle des genres de vie étudiants, les études fondées sur l'entretien ou l'observation directe ne font qu'entrevoir au mieux qu'une simple diversité, forcément très limitée ; elles ne permettent pas de donner aux cas d'espèce qu'elles parviennent à isoler leur vraie place et leur juste proportionnalité »[10]. Ils soutiennent « qu'un des principaux enseignements que l'on peut tirer [de l'enquête de l'OVE] est que l'étudiant moyen n'existe pas dans la réalité, que c'est une fiction trompeuse, un lieu commun sans fondement qui doit être banni de tout débat sérieux »[11].

 Ainsi, pour B. Lahire, « l'étudiant (moyen) ou la culture étudiante n'existent pas. Ce qui peut s'observer, se décrire et s'analyser, ce sont des catégories d'étudiants (aux conditions d'existences et d'études différentes) et des manières différentes d'étudier »[12]. Son étude confirme les résultats obtenus à partir des travaux antérieurs concernant les conditions de vie des étudiants et demeurant conforme aux bilans dressés par  les chercheurs de l'OVE.

 Ces derniers renforcent l’idée que « la surreprésentation accentuée des enfants de cadres dans les filières les plus prestigieuses ne renvoie pas seulement aux signes d'excellence scolaire. Elle renvoie aussi aux niveaux d'aspiration et aux représentations (variables selon les milieux) de la réussite, à l'opportunité des stratégies adoptées, au sens de l'orientation, à la connaissance des circuits rentables en termes de titres et de débouchés, autrement dit à des savoirs et savoir-faire favorisés par la familiarité des parents avec l'enseignement supérieur et le marché des emplois les plus qualifiés ; et elle renvoie encore à la capacité de choisir un type d'études plus prestigieux mais non offert à proximité du domicile familial et présupposant donc l'accroissement du coût de la vie étudiante, la prise en charge d'un nouveau loyer, de frais de déménagement, d'installation, de transport »[13].

 Il est important dans notre étude sur les échecs précoces à l’université d’observer les relations qui existent entre les conditions de vie et les stratégies mis en place par les étudiants eux-mêmes concernant la réussite des études. L'impact d’un travail rémunéré sur l’étudiant n’a de signification «  en soi » que s’il est considéré en fonction de sa quantité d’heures de travail. Tout travail rémunéré qui dépasse le volume horaire d’un mi-temps, diminue significativement les chances de réussite de l’étudiant.

 De plus, la proximité entre lieux d'études et domiciles parentaux, n’a pas toujours un effet positif sur la bonne marche des études car la réussite est conditionnée par le degré d’adaptation aux conditions de vie qui satisfassent les exigences propres à chaque type d'études et à chaque type d'étudiants, car il semble évident que « la  proximité avec le milieu d'origie qui est tantôt un avantage, tantôt un handicap»[1].


Cf. suite (3)

 

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